Walid Akl

Walid AKL, Notre virtuose pianiste national

La région du Metn avec ses pins parasols et ses pics neigeux entrecoupés de vallées couvertes de forêts, de saules pleureurs et de peupliers, est un coin du Liban particulièrement recherché par les touristes à cause de sa fraîcheur de son calme et de ses eaux minérales.

Al-Moushaïdssi, village natal de Walid Akl et du poète Elia Abou-Madi, est voisine de Bickfaya, où virent le jour plusieurs personnalités et hommes de lettres libanais.

Les aïeux de Walid AKL s’étaient établis à Bickfaya dès la moitié du 18ème siècle.

Lorsque cet enfant vint au monde le 13 juillet 1945, ce fut pour la première fois, peut-être dans l’histoire de la musique libanaise contemporaine, la naissance d’un grand virtuose national qui est aujourd’hui, une des gloires de son pays. Son père, Panai AKL, est un ingénieur civil, diplômé de l’Université Saint-Joseph et un excellent chef de famille. Sa mère, Laurice Touma, est la sœur du regretté directeur général du Tourisme au Liban, Michel Touma et de l’éminent ophtalmologue et professeur à la Faculté de médecine, Philippe Touma.

Walid AKL a un frère Ziad (ingénieur architecte), professeur d’architecture et d’urbanisme à l’ALBA, et une sœur Nada (peintre). Son enfance s’est déroulée dans un cadre typiquement libanais. Il a connu et apprécié sans doute les joies et les tendresses familiales. Il était vif et éveillé et donna de très bonne heure, à l’âge de six ans, à l’école de Zahrat Al-Ihssan, des preuves d’une rare intelligence. A l’âge de 11 ans, Walid AKL fit inscrit au collège de Jamhour dirigé par les pères jésuites. Enfin il acheva ses études secondaires à L’I.C. (International College) de l’université américaine.

Caractère

Walid AKL est un esprit méditatif et passionné, il est simple, distingué et attire la sympathie. Sa courtoisie ainsi que sa conversation révèlent sa personnalité. Taille élancée, visage expressif, Walid AKL a plutôt l’air romantique avec ses cheveux longs, ses yeux noirs pétillants et ses doigts émaciés. Cet artiste exceptionnellement doué est l’un des meilleurs virtuoses du Proche-Orient. Walid AKL est aujourd’hui bien connu des discophiles et des musiciens du monde entier.

Le pianiste

A l’âge de 14 ans, son rêve était de devenir pianistes virtuose. Il demande à son père d’apprendre le piano. On le confie à une religieuse de la Communauté des Sœurs des Saints Cœurs de Bickfaya, sœur Carmen.
La musique l’enchante et l’incite de plus en plus à découvrir le secret du clavier.
A l’âge de 16 ans, Walid AKL s’inscrit au conservatoire national dirigé à l’époque par Anis Fleihan. C’est alors qu’il découvre les œuvres et les compositions des grands musiciens internationaux. Ainsi la musique gagne chez lui peu à peu sur les autres spécialisations. Il se rabat provisoirement sur la théorie et s’acharne à assouplir son doigté.

A Paris

A l’age de 17 ans, Walid AKL part pour la France et s’inscrit au Conservatoire national de Paris. Certes, chez ce jeune artiste libanais toujours sûr de lui-même, toujours à la recherche de la perfection et que la musique envahit, il est difficile de penser que son séjour à Paris eut été uniquement un passe-temps agréable. Au contraire, Walid Akl a placé sa vie sous le signe de la volonté et de l’esprit. La force de l’esprit dont il fait montré lors de ses quatre années d’études au Conservatoire et à l’École Normale Supérieure de musique a triomphé avec beaucoup de patience, d’exercices et de découvertes personnelles. Il obtint ainsi une licence de concert et il se classa parmi les premiers sur deux mille candidats. Ce qui préoccupait Walid AKL à Paris, c’était d’acquérir cette technique remarquablement souple et parfaite. Depuis qu’il a quitté le Liban, il vogue vers un nouveau monde, un univers inconnu et qu’il doit découvrir au sein de la capitale française. Car Paris est le but, Paris cette capitale des arts où notre éminent pianiste sut donner une charpente solide à ses interprétations musicales romantiques.
C’est ainsi qu’il débuta sa vie de musicien à partir de 1962 dans la capitale française ou il résida.
Walid AKL possède indiscutablement un talent inhabituel et il a réussi car il est de ces êtres dont la vocation ne se définit qu’après coup, une fois que le hasard a fixé sur une activité quelconque cette sorte d’excédent de vitalité qui fait leur génie. On ne saurait nier, certes, que la musique a exercé une si grande emprise sur son imagination et un changement total sur sa destinée après son premier récital de piano à Paris en 1970 en la salle Gaveau.
Son nom ne tardera pas à devenir célèbre au Liban d’abord, ensuite en France et dans les grandes capitales occidentales et américaines.
Les années 1970 -1980 furent une période particulièrement féconde pour le travail de Walid AKL.

Walid AKL et les voyages

Il serait difficile, d’imaginer Walid AKL loin des pays européens et étrangers. Ses brillants concerts parisiens le mènent en Angleterre (1971), en Belgique (1972), en Suisse (1974), en Espagne (1975), aux États-unis (1973), en Allemagne (1974), au Canada (1969). Il participa à plusieurs festivals internationaux. Il donna un concert à Mexico (1980) qui fit sensation dans toute l’Amérique latine. Au Casino du Liban (1969, 1970, 1973, 1979, 1980) ses récitals furent très appréciés par le grand public libanais et étranger, et ses auditeurs éblouis, se demandèrent comment il réussit à leur divulguer tous les sortilèges d’une technique qui permet de le placer parmi les magiciens du clavier. Au dernier concert donné au Casino du Liban, le public enthousiaste le rappelle six fois.

Walid AKL et la presse internationale

La presse parisienne et internationale a fait l’éloge de Walid AKL en soulignant tout particulièrement qu’il est l’un des plus brillants pianistes de la jeune génération.

Voici un extrait de presse écrit par M.H. Mainguy dans la «Revue du Liban» portant sur Walid AKL :

«Le récital du grand pianiste libanais aux Saints Cœurs de Sioufi, devant un public enthousiasmé, ce mercredi 22 octobre 1980, aura été à la fois d’une brillance et d’une musicalité exceptionnelles. Deux œuvres de Franz Liszt en première partie : la «Ballade» No 2 en Si mineur, suivie de l’imposante et unique «Sonate» également en Si mineur. La «Ballade» No 2 est d’une richesse surprenante en matière de virtuosité, avec, ici et là, des moments de lente nostalgie. La grande Sonate en Si mineur est, elle, incontestablement l’une des plus riches de cette forme musicale, mise au point, quelques années plus tôt, par les derniers classiques et surtout Beethoven. Le premier mouvement allegro energico, après une introduction posée, est marqué par la succession dans un jeu de contraste, de 3 thèmes très différents dont le dernier offre un caractère grandiose. Après quoi, un «Andante» escorté d’une fugue vivace qui mène vers le rappel de l’exposition et enfin une brillante conclusion. Un monument unique en son genre».
«En seconde partie, l’imposante «Sonate en Fa mineur» de Johannès Brahms, avec ses quatre parties diversement mouvementées. D’abord un «Allegro» sur un seul thème entraîné en rythme ternaire, et suivi d’un «Andante» sous forme de lied d’inspiration nostalgique. Après quoi le «Scherzo» brillant suivi d’un intermezzo et d’un rappel passager de l’Andante. Enfin, le thème tour à tour douloureux et passionné d’un «Final» très orageusement tourmenté.

«Dans ce débat harmonieux aux variations incessantes, le talent de Walid AKL a fait merveille tout au long de ce récital alliant une brillance exceptionnelle en matière de virtuosité, à une finesse expressive de sentiment de quantité plutôt rare dans l’interprétation de ces œuvres remarquables et monumentales. Ce qui dénote, chez l’interprète, une valeur déterminante de caractère proprement musical. On comprend que le talent d’un Walid AKL s’impose désormais à travers le monde, avec sa finesse incontestable de compréhension et d’interprétation. Les auditeurs de la salle Sioufi en sont demeurés à la fois ravis et vivement impressionnés; ce qui laisse bien augurer du prochain récital de mardi 28, en l’Assembly Hall de l’Université américaine de Beyrouth».

En marge de ces brillantes soirées beyrouthines, signalons qu’à l’occasion de son récent avec Eva Toutjian à Bougival, près de Versailles, c’est une libanaise de Paris, Mme Minkara, qui avait tenu à restaurer les 50 invités de cette cérémonie. Rappelons aussi que le 5 mai Walid AKL avait donné un récital au Palais des congrès de Lyon, suivi le 18 mai, d’un autre récital au Palais de l’Unesco à Paris; et ce, avant de se produire à Québec, le 7 juillet, à l’occasion de Festival de la francophonie. Dans le même temps de nouveaux disques sortaient, produits par Mozart Chahine sur la gravure des dernières auditions parisiennes. Enfin parmi les multiples projets de ce bel artiste libanais parisianisé, une initiative d’importance: la présentation pour un futur concert de la transcription pour clavier, faite par Liszt, de la 3ème symphonie «héroïque» de Beethoven, dédiée d’abord par l’auteur à Bonaparte, premier Consul, et à laquelle il avait ajoute une «Marche funèbre» après le couronnement de l’empereur Napoléon. En qui Beethoven avait cru voir d’abord le «héros» de la liberté. Or Beethoven avait lui-même construit cette admirable symphonie, en forme de «sonate symphonique» avec ses quatre mouvements où les idées musicales se succèdent, s’opposent et s’enrichissent au long du développement. C’est cette œuvre monumentale d’une richesse exceptionnelle, et dont la durée avoisine une heure, que notre distingué pianiste s’est engagé à réaliser sur le clavier, alors que pareille expérience n’a presque jamais été entreprise par les plus éminents artistes.

Conclusion

Walid AKL n’oublie pas la France à laquelle il doit ses premiers triomphes, c’est pourquoi il a choisi Paris comme lieu de sa résidence. A Paris on découvrit la technique stupéfiante et la sensibilité de cet artiste pour qui la recherche de la perfection est une raison de vivre.

En outre, il semblait normal qu’en considération de cette promotion incontestée de la musique Libanaise par l’intermédiaire de notre grand virtuose, le prix Said AKL vienne récompenser les efforts fournis dans ce but ainsi que le talent qui est à l’origine de cette propagande artistique et culturel du Liban à l’étranger. C’est ainsi que fut remis à Walid AKL ce prix d’encouragement (1972), grâce à l’initiative généreuse de l’éminent poète said AKL et à la délicate intention du président de l’ordre de la presse libanaise le regretté Riad Taha. Il est également titulaire du Mérite libanais (1973).

Vibrer et se recueillir, seul au milieu des autres, c’est Walid AKL pour qui jouer du piano est une nécessite comme de respirer, pour qui jouer, c’est rencontrer l’âme de la musique.

Il a interprété les œuvres des plus grands compositeurs : Liszt Chopin, Bach, Moussorgski, Rachmaninov, Debussy, Schubert et Brahms.

Dans le domaine de la discographie on trouve, interprétées par lui des œuvres de Scriabine, J.S Bach, Liszt (P.C 93.503), Borodine, Rachmaninov (G.B.S 73.655).

Walid AKL a toujours exprimé dans ses récitals la joie et la souffrance, l’espérance et l’échec, l’attente et l’angoisse. Chacun des morceaux joués est un tableau et un drame de l’âme. Aussi, ses récitals d’une excellente facture revêtent-ils un cachet unique. Depuis près de dix ans, Walid AKL, le virtuose national libanais, se produit dans les grandes capitales en glanant un extraordinaire succès.

Joseph Sokhn, Couleurs Libanaises, Tome 4, Beyrouth