Article: (Translated to French)

Le visible et l'invisible par Adonis.

Voici un tableau auquel manquerait, dirait-on, sa propre image.
Une toile sur laquelle aucun cri de couleur ne figure, aucun tumulte d'animation.

Illustration du furtif, du bruit sourd, du chuchotement et de l'intimité. Ce que l'œil y perçoit c'est aussi à la fois l'imperceptible.

Tableau à la fois visible et invisible. Certes visible, puisque vision sensible, invisible aussi, puisque vision ne révélant que partiellement ce qu'il recèle.

Il s'esquive tout en se manifestant. Rappelant une certaine mystique charnelle, une spiritualité matérielle de laquelle, la lumière et l'ombre semblent jaillir ensemble, à l'image d'une vague unique.

C'est alors qu'elle devient œuvre de l'imagination, de la pensée et de l'esprit. Ainsi s'accordent dans le tableau le patent, visible, et de l'intime, occulte, sa matérialité et sa mystique.

L'art s'incarne dans la toile, comme respire la rose, s'éclose le bourgeon et se répand le parfun.Du même battement, s'animent le matériel et le naturel.

L'œuvre, manuelle, ne se mesure guère, ici, à l'ouvrage de la main, elle le transcende, atteignant les limites tracées par le corps tout entier, celles de l'énergie créatrice tout entrière.

Il n'est de paradoxe ici entre technique et intuition, passion du cœur et contemplation rationnelle. Matière et esprit coulent, empruntant même forme, même structure.

Intereférence de rythmes, synthèse et emboîtement d'une structuration ouverte. Comme si, dans le tableau, l'existence et les choses se transformaient en musique, c'est dans une frénésie lyrique que se réalise cette mutation où l'œuvre d'art se déploie sur la toile, en son sein, comme sur les sables se déferle la vague, simple, limpide et mouvant à l'instar de l'eau.

Adonis - Avril, 2002, Al Khaleej Newspaper.