May Murr

Prose Poétique

JE T’AIME

Je t’aime, t’aime et t’aimerai,
C’est vrai! ne me dis pas mirage
Avec tous mes noms, tous mes âges,
Ah! sans retour et sans partage,
Amour, je te célébrerai.
T’aimer... le bonheur de le dire
Et le redire est plus que vrai.
Dans l’abandon, dans le délire,
Je m’offrirai fleur et sourire,
Ivresse et vin je m’offrirai.
De mon Avenir à l’Enfance
Bien vrai, je n’aimera que toi.
Eternelle, dis, la jouvence!
Même absent, tu m’es la présence
Bien plus présente à moi que moi...

May Murr
Du recueil: Tout au long de l’amour

TERRE D’AMOUR

Je chante et chanterai toujours
Liban-Phénicie, ma Terre,
Terre de splendeur et d’Amour
Où cœurs sont les fleurs, et prières.
Fleurs, d’être Liban soyez fières.
Liban, ma stance de soleil,
Toi l’Ave du Monde et l’Éveil,
Distribue à la Terre entière,
Ton alphabet de Lumière
Et sois en tout à Dieu pareil.
Pour tes dentelles cornalines
Ambroisie et toujours nectar,
J’ai brodé dix baisers de nard.
Et la brise se dit câline
Que berce en Cèdre l’étendard.

May Murr
Du recueil: Gloires Libanaises

O SEIGNEUR, NOUS T’AIMONS!

Ma Rose, à peine éclose,
Parfum et carillon,
Vient de clamer: prions
Pour nos crêts et sillons,
Et prions pour les roses.
Recueillis, Tes Rayons…
Au chant sa cornemuse,
Tu dis, à l’horizon:
Un poème gazon,
Puis semons à foison
Les oiseaux qui l’amusent.
Et, en chœur: nous T’aimons.
Toi qui d’un toit turquoise
Enveloppes nos monts,
De l’aval à l’amont,
Fais fleurs notre limon,
Et nos terres, framboises.
Nos cœurs soient Ta maison.

May Murr
Du recueil: Poésie Trimégiste

PRIÈRE DU SOIR

Avant, Seigneur, que tu ne baisses
Ton grand rideau sur nos clartés,
Pour multiplier Tes largesses,
J’embrasserai, tout allégresse,
La Terre pour l’Éternité.
Sur tes aires mes graines poussent.
Ce ne sont blés comme les blés,
Vois-les s’épanouir sur Tes trousses,
Jardin divin. Ne les repousse.
Pour en faire Ton Corps, prends-les.
Où nos vins se font offertoire,
Sur cela peux-Tu Te leurrer ?
Mes lauriers — Oh ! tu peux les croire !—
S’inclinent acclamant Ta gloire,
Sur mes cœurs leurs fleurs T’ont serré.
Par cœur, ces cœurs je les épelle
Joyaux de prose et souvent vers,
J’en fais pour Ton envol des ailes,
Collier d’amour, je les cisèle,
Qui noue à ton Cou l’Univers.
Les nés d’antan et ceux à naître,
Aimons-les sans retour, aimons
Les inconnus sans les connaître,
Qu’ils soient apôtres, qu’ils soient traîtres,
Aimons aussi vallées et monts.
Passons les boueux des rizières
En revue, après l’autre l’un.
Ils sont, dit-on, à la lisière
De la misère ? Ils sont misère !
N’en oublie, ô Très-Bon, aucun.
Comptons aussi les autres bouches
Qui n’ont connu que plats déserts.
Vides leurs tables et les louches !
Affamés, leurs petits qu’on couche,
Tant, que la faim en a souffert.
Tout enfant banni par l’Enfance,
Érigeons-nous pour lui, château
De rêves blonds, et non potence.
Manque d’Amour est indigence,
Pire que manquer d’air et d’eau.
Je le vois à travers ma rampe...
Et Toi, Grand Semeur, l’as-Tu vu ?
Ce laboureur, là-bas, qui rampe,
Haletant, sueur à la tempe,
Que peine prend au dépourvu.
Et le mineur ? « Hé ! là ! L’usine,
Tes soupirs anthracite, au vent
Tu les éparpilles, résine...
Etouffent ceux qui t’avoisinent,
De feu sur eux tu te répands ».
Rebut de justice on l’affiche,
Pourtant, pécheur n’est pas sans cœur.
Quoi, son pouls s’arrête ? Une biche
Brame un geignement qui ne triche.
Toi, pardonne et sois sans rancœur.
Tu fais semblant de n’avoir cure
D’être couché dans un réduit,
Peuple qu’on tue !... L’heure est dure,
Pourquoi, ton âme est pourtant pure !
C’est de goudron que l’on t’enduit ?
Qu’on sauve Liban ! Ses recrues
Sont Héros... Vois-les, à grands pas,
Vois, comme aux combats ils se ruent !
D’eux la Mort n’est-elle repue ?
Ciel, aux preux, ne Te cache pas !
Il est aussi ceux dont l’office
Consiste, ô Christ, à T’offusquer.
Faut-il, contre eux, entrer en lice,
Ou boire leur amer calice,
Et devant le Mal, abdiquer ?
Que tous m’aiment, dis-Je, et qu’ils s’aiment
Ce testament à nous confié
Faisons-en notre essor suprême.
Nous prierons, ô Seigneur, de même
Pour ceux qui nous ont crucifiés.
Nous n’omettrons rien ni personne,
Toi non plus, El-Elioun, n’omets
Nul être... Que tous s’abandonnent
A Tes bontés... Quoi... Tu me donnes
Le Monde entier à Aimer !?

May Murr
Du recueil: Poésie Trimégiste

A CHACUN SA PART: LE TOUT

Ah! tous ces matins merveilleux...
Je m’en souviens... ils s’en souviennent...
Tels lionceaux hors de l’arène,
En tempétueuses fredaines,
Vers nous venaient, cinq cœurs joyeux,
Exécutant sauts périlleux,
Ils malmenaient lit, draps et laines.
Couvons-les, extase des yeux.
De grâce, petits!... Rien à faire!
On se bouscule et c’est la guerre!
Avec quel art chacun s’affaire
A nous accaparer. Misère!
Comme tout voltige alentour.
Oreillers sont jetés par terre.
Oh! attention! le lampadaire!...
C’est ainsi qu’ils quêtaient l’amour!

May Murr
Du recueil: Enfances

SOLEIL MON LIBAN-PHÉNICIE

Ceux qui ne connaissent que superficiellement l’Histoire du Liban-Phénicie, sont loin de soupçonner quelle extraordinaire richesse recèle notre patrimoine. Les mots étranges que nous lisons dans ce poème : tels que El, Dieu d’Amour; Hiéroglyphes, Alphabet, Science, sont des dons du Liban-Phénicie. Les Géants, dont les Néphilim, Réphaïm, et autres géants de la Bible, et des mythologies, loin d’être des fictions ont réellement existé et sont libano-phéniciens.

Explorant Temps, Espace et Vie,
Nos Géants, dès l’aube des jours,
Tendus vers l’Ésprit sans retour,
Au nom du Liban-Phénicie
L’ont fait connaître, Dieu d’Amour.
Amis de toute Connaissance,
Ils la livrèrent, ces Géants,
Hiéroglyphe, Alphabet et Science,
Et verse notre Firmament,
Vrai, Bel et Bien en abondance.
Liban-Phénicie, ô Soleil
Civilisateur dès l’éveil,
Joints, tes enfants, dans la prière
Qu’ils sèment, Paix, Joie et Lumière
Sur toute terre, à Dieu, pareils.

May Murr
Du recueil: Gloires Libanaises

OÙ TOUT EST PARFUMÉ

Promis de fleur j’appelle. Quelle magnifiscence,
Recommence ta voix en l’azur velouté.
Divine la Cantate et le luth enchanté.
Ces confidences qui me nomment leur démence,
Qu’elles m’enchaînent, ivre, à ton éternité.
Stérile... ce moment à l’air d’être stérile.
D’où je songe, cruel, son mutisme m’exile.
Ne m’y délaisse, sec est son souffle, inclément
Sans toi... mais aimons-nous... close sur moi ton île,
Toi, clos les yeux, à tout hormis à nos serments.
Rien, ni des mers les mots où les cieux se répètent,
Ni la chanson des nuits, que brode une comète,
N’arrêtera la fugue. Où tout est parfumé,
Où le sourire, nous, célèbre un soir de fête,
Pressons le pas, le rêve est à nous, Bien-Aimé.

May Murr
Du recueil: tout au long de l’amour

TOI, QUI VIENS DU LIBAN!

Nouvelle version d’un poème publié dans notre recueil Il s’agit d’un Rien d’Amour, en 1969, en l’honneur de Notre-Dame du Liban, qui trône sur la colline de Harissa, et sur tant d’autres hauts lieux du Liban. Il a été écrit, un jour où nous avions entrevu le martyre apocalyptique des Libanais, près de devenir apatrides...

Cet autre poème que le Maestro, le Père Joseph Waked a doté d’une musique superbe, à décroché en Europe plusieurs premiers prix.

Parmi nos gammes de splendeurs,
Les flots baptisent de caresses
Ta sandale en satin et fleurs.
Etoile de chez nous, tu tresses
Ton Trône, d’un ciel riverain
Des trônes de notre tendresse.
Brise chuchote à travers pins:
“Nous devinons vers où se penche
Ta tête en quête de divin...”
Que dis-je? As-tu dit avalanche
De neige ou... pourpre amarylis?
Et tu scintilles, blanche, blanche...
Dieu, Père, Esprit-de-Vie et Fils,
Te nomme Son Ève Nouvelle
Et Lys à diadème de lys.
Je t’écoute et ton nom épelle.
Un soleil, alphabet d’amour,
Eparpille tes étincelles.
Que vois-je? Vois, aux alentours,
Les paysages s’enténèbrent
Des voix te hèlent: “Au secours...”
Dissipe les heures funèbres.
Qu’enfin pointe pour nous le jour,
Et que l’heur en nous te célèbre!
Tu pars ? Quoi, ton cœur se fait sourd ?
Mon beau Liban pourtant t’importe !
Et tu nous lègues aux vautours ! ?
Non, tu ne peux ! A notre porte
Tu ne cesseras de frapper !...
Mais l’autre main nous réconforte...
Dans le sang de nos fils trempé,
Ton Fils ! inscrit sur nos coupoles,
Qui, mais qui saurait l’y saper ? !
Dès qu’Architecte d’acropoles
Il nous bâtit, Forts de Sa Foi,
Nous le portons de pôle en pôle.
Aussi, avions-nous mieux, de toi,
Auguré, toi, qu’à chaque page
Nous lisons fleur, oiseau, hautbois.
Ne t’avions-nous pas, sur nos plages,
Dit d’éclore, Rose-des-Bois,
Puis à même nos rocs, tes pages ?
Pourquoi décrètes-tu, pourquoi,
Que Paix nous prive de sa face,
Que ton Roi ne soit plus le Roi ?
Tu ne m’entends ? Réponds, de grâce,
Les tiens, où les jetteras-tu ?
Quel Temps les prendrait, quel Espace ?
Sombre chaos ! Et tout s’est tu...
Rien ne s’attendrit, rien ne pense...
Que ce labyrinthe est tortu !
Sans boussole-astre, sans enfance,
Qui l’aurait cru ! nourris de fiel,
Nous, apatrides en errance ! ?
Si loin des mers, des pleurs de sel
De nos murex et des clairières,
Tout part... garde la Terre d’El...
Pouvoir, sans cela, rester fière,
O Dame en blanc, depuis le temps
Que tu recules tes frontières !
D’où viens-tu sinon du Liban,
Quand l’Élu des élus t’appelle :
« Fiancée, ô flacons d’oliban,
« Rappelle-toi je me rappelle,
Moi, le jour où sous le plus beau
Ciel, te sacrai Belle des belles... »
Et sous Son arcade à rameaux,
Il te fit don, cadeau de noces,
D’une colombe et d’un flambeau.
Il commanda : « Que Terre endosse
Des merveilles or et bombyx.
Que tout s’incline et se déchausse... »
Et de ton sein, au jour préfix,
(Je t’entends défaillir poème)
Fit jaillir le Nouveau Phénix.
Oh ! Il t’aima comme seul aime
Et sait aimer, Dieu... d’un si fol
Amour, comme un autre Lui-même !
Doux délire ! Suprême envol !
Ne t’envole, abonde en prières.
Cèdre, plante-toi sur ce sol.
O Citoyenne à part entière
De mon pays, c’est, fleur au doigt
Que Dieu nous t’offrit Reine et Mère.
Il Lui suffit, figure-toi,
Que je veuille, pour qu’il ne meure
Que Liban-Phénicie soit...
Emue ? Oh ! Certes ! Et tu pleures...
Je sais, tu ne partiras pas.
Erigeons chez nous, ta demeure.
Liban ne manquera d’appâts,
Malgré tout... Son parc a des fraises,
Et frais son gazon sous tes pas.
O Notre Dame Libanaise,
Ma Nation, n’est-ce ton devoir ?
(Conçue afin que tu t’y plaises)
Si ce n’est ton dernier Avoir,
Le havre où ton Orient s’apaise
En Dieu, comme en son Seul Espoir...
Toujours affamés de caresses,
Tendre haleine, espiègle la tresse,
Ils s’esclaffaient... Voyons, tout doux!
Chacun veut entière tendresse?
– Qu’à cela ne tienne, ô mes fous! –
Il l’aura sans “comment?” ni “qu’est-ce?”
(Préparez-vous baisers et liesse)
Cette part, entière: le tout.

May Murr
Du recueil: Poésie Trimégiste