Book - Mahomet II impose le Schisme Orthodoxe
Preface of the book '1453: MAHOMET II IMPOSE LE SCHISME ORTHODOXE'
Scholarios avait participé au concile de Florence, où il avait appelé les Orthodoxes à embrasser l’Union des Églises.
Mais, quelque temps après son retour à Constantinople, il s’était retourné et avait prétendu que le conflit entre les deux Églises était si grave que le Christ ne voulait pas de l’unité des Chrétiens, c’est-à-dire de la seule chose qui pouvait sauver Constantinople de l’invasion turque.
Scholarios révéla ses vraies motivations en acceptant la place de patriarche que lui offrait le sultan, ses cadeaux de prix et l’exemption des taxes imposées aux Chrétiens. “Il le fit, écrit le chroniqueur de Mahomet II, patriarche et grand prêtre des Chrétiens, et lui donna, entre autres droits et privilèges, celui de gouverner l’Église, avec tout son pouvoir et autorité.”
Et le sultan réunit un synode pour l’“élire”, et il lui donna solennellement la crosse et le manteau de patriarche.
Et il le fit ethnarque.
L’ethnarque est un gouverneur qui représente l’envahisseur, et c’est en tant que tel que Scholarios aida les Ottomans à imposer, au peuple qu’il avait ainsi vendu, le mythe d’un schisme orthodoxe légal.
Pour se justifier, il prétendit qu’à Florence s’étaient exercées des pressions qui rendaient les décrets du concile nuls, puisque les Occidentaux avaient subordonné leur aide militaire à la cessation du schisme.
Si c’était vrai, que dire des pressions qui s’étaient exercées sur le synode qui l’avait élu, lui, sous l’égide d’un sultan qui tuait quand il était contrarié ? Une élection caduque, du point de vue orthodoxe : un musulman ne peut pas convoquer un synode. Encore moins peut-il choisir le patriarche.
Sa propagande prétendit les Byzantins heureux d’être gouvernés par un homme de leur nation. Pour réaliser ce qu’il en était vraiment, il faut imaginer les mêmes malheurs frappant Rome, qui ressemble à la Constantinople de 1453, par l’abondance de ses églises, par sa beauté, par le nombre de ses saintes reliques, par le mépris dans lequel elle tient son oint au décorum fastueux. Et par sa certitude d’être supérieure, en tant que ville chrétienne, à toutes les autres villes du monde.
Imaginons ainsi un dictateur oriental prenant aujourd’hui Rome dans un massacre atroce. Imaginons ses blindés pénétrant dans la basilique Saint-Pierre et se frayant un chemin sanglant dans la foule des fidèles qui s’y seraient réfugiés. Imaginons ce dictateur entrant à son tour et grimpant sur l’autel papal comme une idole sur son trône, pendant que sur son ordre, une proclamation transformerait la basilique Saint-Pierre en temple de sa religion. Imaginons-le faisant exécuter tous les notables, à Rome, qui lui auraient été hostiles, puis imposant aux Chrétiens le chef de la collaboration pour pape. Imaginons-le ensuite réunissant un conclave formé des quelques cardinaux qu’il aurait laissés en vie, pour qu’ils confirment cette nomination en “élisant” ce collaborateur. Imaginons-le le revêtant du pallium, lui donnant des cadeaux de prix, l’exemptant des impôts dont il grevait les autres Chrétiens, puis le nommant aussi président de la République pour pouvoir plus étroitement contrôler la population.
Imaginons ensuite les sentiments des Romains envers cet instrument de l’occupant, et nous verrons ce qu’à Constantinople, les Chrétiens moyens pouvaient avoir vraiment pensé de Scholarios.
Malheureusement, leur version n’a pas été écrite, ou, si elle l’a été, elle ne nous est pas parvenue, car les Ottomans ne laissaient régner que les patriarches qui réprimaient la liberté d’expression. Ainsi, il a suffi que les témoins oculaires meurent pour que meure la vérité au sujet de ce que pensaient les habitants de Constantinople. Et par ignorance, nous autres, Orthodoxes, avons répété, durant des siècles, la version que les sultans ont voulu que nous répétions : que l’Occident catholique était apostat ; que le concile de Florence n’était pas valide parce que les Byzantins y auraient trahi le dogme orthodoxe ; que l’empereur
Jean VIII y aurait agi sous la contrainte — et donc, que l’annulation de ses décrets d’Union par Scholarios serait légale.
La vérité est bien plus honorable pour nous.
Au concile de Florence, en effet, les Orthodoxes ont refusé d’ajouter le Filioque au Credo, de modifier la liturgie de saint Basile, d’utiliser du pain de messe azyme, d’autoriser le pape à nommer le patriarche de Constantinople, ou même, de permettre que le patriarche soit élu hors de Constantinople. Et ils n’ont fait aucun abandon de dogme : ils ne se sont unis aux Latins qu’après que les Latins aient admis que l’Esprit saint avait un seul principe, le Père (annexe 1).
Ils ont, il est vrai, abandonné l’orgueil à Florence, en acceptant la primauté du pape. Mais, loin d’avoir subi les pressions de l’Occident pour le faire, ils en avaient subi en sens inverse. Car le pape était en position de faiblesse extrême. Des armées italiennes lui faisaient la guerre sur le terrain, et la République avait été proclamée à Rome. Il était un réfugié à Florence, et les riches marchands italiens le méprisaient. En même temps, le roi de France menait contre lui une guerre théologique à travers le concile de Bâle. Le but de cette guerre était la destruction définitive du pouvoir papal.
Les intérêts militaires et financiers de l’empereur Jean VIII auraient voulu qu’il abandonne le pape et s’entende avec le concile révolté de Bâle, afin de plaire au roi de France et d’obtenir son aide militaire. En refusant de se prostituer, il a sauvé l’Église d’un nouveau schisme d’Occident et relevé, pour toujours, le prestige du Pape en Occident.
Cet acte d’héroïsme prouve que le concile de Florence était totalement libre et désintéressé. Telle est la première condition pour qu’un concile soit œcuménique et mû par l’Esprit saint.
Les deux autres conditions sont qu’il groupe les personnages les plus importants des deux Églises, et qu’ils se soumettent aux textes de la Bible et des anciens Pères de l’Église. Si c’est le cas, l’Union des Églises promulguée par le concile de Florence est irrévocable pour les Orthodoxes, et l’existence du schisme dans les faits est illégale.
Il est temps de voir ce qu’il en est en confrontant les chiffres, les textes et les actes, et de réhabiliter les victimes de Constantinople en montrant les vrais visages de leurs bourreaux et de ceux qui les ont trahies.
Qu’il soit pourtant compris qu’en accusant des personnages du passé, mon livre n’entend aucunement attaquer le pape ou les patriarches et évêques catholiques ou orthodoxes aujourd’hui, qui sont victimes — et non auteurs — de ce mensonge historique imposé par les Ottomans. En tant que Grecque Orthodoxe vivant à Beyrouth, je suis, au contraire, fière de mon métropolite, Elias Aoudé, et de mon patriarche, Aghnatios Hazim, qui a démenti Scholarios en déclarant en 1983 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris : “Le différend entre Orthodoxes et Catholiques n’est pas dogmatique... Nous sommes capables de nous unir avec Rome parce que nous sommes fidèles avec entêtement à nos racines”.
Si, à ce moment fatidique, le haut clergé de Constantinople avait eu des hommes comme eux, ils se seraient dressés contre le sultan, ils n’auraient pas fui ou accepté d’être ses instruments quand il asservissait leurs fidèles et transformait leurs églises en mosquées. Alors il aurait été obligé de les tuer ou de laisser leur Église tranquille. Dans les deux cas, il n’aurait pu imposer un mensonge aussi éhonté aux Orthodoxes du monde entier.
Texte couverture:
“Le différend entre Orthodoxes et Catholiques n’est pas dogmatique. Nous sommes capables de nous unir avec Rome parce que nous sommes fidèles avec entêtement à nos racines.”
Ainsi parlait, en juin 1983, le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche, Ignace IV Hazim, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Ainsi parlaient aussi les Orthodoxes qui, en 1439, avaient mis fin au schisme après d’interminables palabres avec les Catholiques au concile de Florence.
A ce concile, le savant Scholarios les avait appelés à embrasser l’Union des Eglises. Mais quelque temps après son retour à Constantinople, il se retourna et prétendit que les raisons du schisme étaient si graves que le Christ ne voulait pas de l’unité des chrétiens, c’est-à-dire de la seule chose qui pouvait sauver Constantinople de l’invasion turque.
Après la chute de Constantinople, Scholarios révéla ses vraies motivations en acceptant la place de patriarche que lui offrait le sultan, ses cadeaux de prix et l’exemption des taxes imposées aux chrétiens. Et il aida les Ottomans à imposer aux Orthodoxes le mythe d’un schisme légal.
Du point de vue orthodoxe, un musulman ne peut pas convoquer un concile, ni élire un patriarche, surtout quand il en existe déjà un. Et la décision de cet “antipatriarche” ne vaut certainement pas face à celle d’un concile groupant les chefs des deux Eglises. Le concile de Florence est donc toujours valide du point de vue orthodoxe.
L’Histoire se répète, dit-on. C’est flagrant en ce qui concerne la tragique histoire de la chute de Constantinople…
Interview avec Lina Murr Nehmé a propos de son livre: '1453 : MAHOMET II IMPOSE LE SCHISME ORTHODOXE'
Q: Lina Murr Nehmé, pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
LMN: Parce qu’il suffit de savoir ce qui s’est vraiment passé pour renverser complètement les idées. Combien savent que l’Union entre les Eglises de Rome et de Constantinople avait été proclamée à Florence en 1439, puis à Constantinople en 1452 ? Mais quelques mois plus tard, cette dernière était tombée, dans des torrents de sang, aux mains de Mahomet II, sultan des Turcs. Et le pays byzantin devint musulman et fut appelé « Turquie ».
Mahomet II tuait ceux qui le contrariaient. Pouvait-il laisser ses nouveaux sujets libres de pratiquer leur religion ? Oui, à condition d’avoir le chef de leur Eglise à sa botte.
Ce qui a fait échouer l’Union est Eglises est aussi ce qui a fait de la Turquie un pays musulman. Cette histoire de violence et d’amour, de haine, de trahison et d’héroïsme, nous concerne aujourd’hui plus que jamais. Car l’histoire se répète, dit-on. Cela n’a jamais été aussi vrai.
Tel a été mon but en écrivant 1453 : Mahomet II impose le schisme orthodoxe. Il a pris sept ans de travail. De tout cœur, j’espère que ce récit vous aidera à lire entre les lignes de l’actualité aujourd’hui.
Q: À qui s’adresse votre livre ?
LMN: À un public très vaste : l’histoire de ce temps était remplie d’histoires drôles et d’autres qui étaient tristes, avec des anecdotes, du suspense, des retournements de situation, des aventures, de l’absurdité, des prodiges de résistance et d’héroïsme, et des prodiges de veulerie. Ce qui est arrivé est tellement incroyable, et les récits d’époque sont tellement poignants ou scandaleux que je me suis obligée à les citer et à mettre des images pour qu’on ne m’accuse pas d’exagérer. J’ai aussi mis des photos pour le plaisir des yeux aussi, pour faire revivre l’ambiance de ce temps, car j’ai eu une formation d’artiste.
Q: Quels sont les échos que recueille votre livre chez les orthodoxes ?
LMN: Je croyais qu’après la publication de ce livre, il n’y aurait plus un Orthodoxe au monde qui accepterait de m’adresser la parole. Je pensais qu’ils n’auraient ni l’humilité, ni l’amour pour accepter une vérité aussi blessante. Même chez les catholiques, je pensais que je serais combattue. Je suis combattue en effet, ce qui prouve que mon livre agit. Mais je ne suis pas spécifiquement combattue par les orthodoxes, au contraire : au Liban, ce sont des orthodoxes qui ont le plus servi ce livre. Peut-être parce qu’au Liban, on s’aime entre communautés et on désire l’union. Une journaliste orthodoxe convaincue m’a posé pour condition à son aide que ce livre aide l’union. Nous avons d’ailleurs de la chance d’avoir un patriarche qui désire l’union, et qui a le courage de dire la vérité. C’est Ignace IV Hazim, patriarche grec-orthodoxe d’Antioche. Il a dit à Notre-Dame de Paris, en juin 1983 : “Le différend entre Orthodoxes et Catholiques n’est pas dogmatique... Nous sommes capables de nous unir avec Rome parce que nous sommes fidèles avec entêtement à nos racines.”
Q: Il y a tout de même un peu de théologie dans ce livre, sinon, à quoi bon ce titre « 1453 : Mahomet II impose le schisme orthodoxe ? »
LMN: Certainement : pour ceux que cela intéresse, j’ai mis une partie technique à la fin du livre. Dans cette partie, je pose aussi des questions de bon sens dans le genre : l’Orthodoxie peut-elle être représentée par les chefs de la collaboration avec l’ennemi ? Une question très grave, car Constantinople était une théocratie ; les chefs de la collaboration étaient donc ceux qui travaillaient le plus à remplacer l’Orthodoxie par l’islam. Or il se trouve que c’étaient aussi les chefs du parti opposé à l’Union. Inversement, les chefs du parti de l’Union étaient aussi les chefs de la défense de Constantinople. Et je montre aussi, à des faits qu’on ne remarque habituellement pas, que les Orthodoxes étaient en majorité favorables à l’Union, à l’époque. C’est le contraire de ce que vous lisez habituellement dans les livres, mais tant pis. Moi, je prouve ce que je dis.
Mais évidemment, les traîtres vont accuser les autres de trahison pour camoufler leur propre trahison. Et cela s’est perpétué, car l’histoire a été écrite par les vainqueurs. Ce n’est pas la faute des Orthodoxes d’aujourd’hui si, depuis quatre siècles, on insiste sur des détails pour les empêcher de voir ce côté des choses.