Book - Si Beyrouth Parlait
Si Beyrouth parlait - Acheter le Livre
L’École de Droit de Beyrouth
« Il faut observer qu’il y a quelques colonies jouissent du droit italique, c’est- à - dire, qui ne payent point de tribut : telle est, par exemple, dans la Syrie phénicienne, la ville de Tyr, ou je suis né, la plus illustre de toutes les contrées de la Syrie, qui a été de tous temps la plus ferme et la plus constante dans les traités d’alliance qu’elle a faits avec les Romains. Car c’est en reconnaissance pour ses services signalés que l’empereur Sévère et celui sous lequel nous vivons lui ont accordé le droit italique.
Mais la ville de Beryte, dans la même province, est favorisée du titre de ville impériale ; car l’empereur Hadrien, parlant des colonies et des villes municipales qui jouissent des privilèges attachés à celles d’Italie, l’appelle sa ville de Beryte ».
Quand Beyrouth était une île
Certains géologues pensent que Beyrouth n’a pas toujours été rattachée à la terre ferme comme c’est le cas maintenant. Ras Beyrouth serait à l’origine une grande île, et les sables charriés par le vent du sud auraient bouché les passages d’eau pour la rattacher au continent.
Nonnos, poète égyptien d’expression grecque, parle même de la beauté des iles de Beyrouth, qu’il appelle Béroé « Béroé est le charme de la vie, la fille de la mer, le port des amours, la ville aux îles superbes et à la riche verdure.
Ce qu’il dit est logique : la région est montagneuse, tant sur terre que dans la mer. Toute la côte est remplie d’îles qui ne sont, parfois, que des pics rocheux plongeant dans une mer très profonde.
Exemple : Tyr était construit en partie sur le continent, et en partie – surtout – sur une île. Mais Alexandre le grand avait construit une digue.
En quelques générations, le sable s’était fixé tout le long de la digue et avait transformé l’île en presqu’île. Tripoli a encore quelques îles, et Byblos a presque fini de perdre ce qui lui restait de rochers saillants. De siècle en siècle, les vagues ont limé le bas des rochers marins jusqu’ à creuser des trous dans cette matière calcaire et poreuse. Le sommet a fini par se briser et tomber. Et il n’y a plus eu que des rochers à fleur d’eau. (photo p. de droite).
On peut voir ce processus en action à Beyrouth. A Rouché, il y a encore deux îlots l’un d’eux a un trou qui grandit d’année en année, et la roche finira probablement par se briser comme celles de Byblos (photos p. de droite et p. 151).
Beyrouth dans la préhistoire
Au XIX et au XX siècles, les Pères jésuites de Beyrouth ont compté plusieurs savants spécialisés dans la préhistoire, notamment le P. Fleish. Ils ont ramassé des quantités de silex taillés dans les sables de Ras-Beyrouth dans d’autres endroits de Beyrouth et sa banlieue – Furn- el- Chebbak et Sin-el-Fil, etc. montrant l’existence d’un nombre impressionnant d’agglomérations habitées durant la préhistoire, dans le grand Beyrouth.
Les fouilles faites après 1992 ont prouvé que Beyrouth a été habitée par la suite sans interruption. C’est une des plus anciennes villes habitées de façon continue dans le monde.
Sanchuniaton de Beyrouth
Les plus anciens écrits historiques connus sont ceux de Sanchuniaton de Beyrouth. Mais ils ne sont pas toujours pris au sérieux, car ils parlent des dieux comme s’ils avaient été des hommes autrefois.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils ont survécu. Eusèbe de Césarée , historien chrétien du III¬ siècle, les a partiellement publiés, dans le but de convaincre les païens que leurs dieux avaient autrefois été des hommes ou des plantes, et qu’ils ne pouvaient donc pas avoir créé les cieux et la terre.
Dans leur forme originale, les écrits de Sanchuniaton ont disparu. Eusèbe nous a transmis en les commentant. Et il n’a pas utilisé la version originale, mais la traduction grecque de Philon de Byblos, qui a donné leurs noms grecs à certains de ces dieux.
Dans l’Antiquité, il était courant, chez les écrivains de langues grecque ou romaine, de traduire les noms des divinités étrangères. Ainsi :
- Baal = Zeus ou encore Jupiter.
- Astarté = Aphrodite ou Venus, Héra ou Junon.
Adonis = Hermès ou encore Mercure. Etc.
Tyr et Sidon, capitales de la science antique
«La Phénicie est redevable de sa célébrité à ses habitants, nation industrieuse, aussi redoutable à la guerre qu’habile à profiter des avantages de la paix. Le Phéniciens ont inventé les caractères alphabétiques, leur application à divers usages, et plusieurs autres arts ; ils furent les premières qui parcoururent les mers et combattirent sur des vaisseaux ; les premiers enfin ils se donnèrent de rois et soumirent des nations ».
Première photo aérienne de Tyr, prise vers 1920. Poidebard, un des archéologues français qui ont le plus travaillé sur le sujet durant le mandat, affirme que la digue d’Alexandre est visible vers la droite. L’ensablement, en effet, s’est surtout fait à partir du sud, charrié par les tempêtes de sable d’origine saharienne.
Qui a construit les pyramides en Égypte ?
En page de droite, intérieur d’une des pyramides de Gizeh, prés du Caire. La plus grande de ces pyramides, celle de Chéops, passe pour avoir été construite durant 20 ans, et achevée vers 2560 avant le Christ. Mais ce n’est possible que si les pharaons étaient des dieux comme ils le disaient, capables de faire des miracles.
Car on ne naît pas architecte de la pierre de taille, on le devient. Il a fallu des siècles aux Phéniciens et à leurs voisins pour arriver à cette maîtrise de la pierre qui leur a permis de faire des ouvrages parfaits qui durent des millénaires.
On voit d’ailleurs dans la plupart des sites archéologiques importants levantins, surtout au Liban, une évolution allant des murs de moellons rudimentaires, puis de pierres de taille formant des constructions sophistiquées, jusqu’ à arriver à la perfection de Baalbek - qui, comme par hasard, se trouve au Liban.
Dans le site de Byblos, on peut voir plusieurs types de maisons préhistoriques, et d’autres plus récentes. L’évolution est visible dans l’architecture de pierre, et même, de pierre de taille.
On ne voit nulle part cette progression en Égypte. En matière d’architecture de pierre, on n’y trouve pas d’essais, de balbutiements, d’amélioration et de progression comme à Byblos, Beyrouth, Ugarit et Jéricho. Il n’y a pas non plus une architecture de pierre bon marché, populaire, comme au Liban et en Syrie.
En Égypte, l’architecture bon marché est une architecture de terre. Les ensembles religieux eux-mêmes ne sont pas entièrement en pierre. Les enceintes, les bibliothèques, les logements des prêtres, sont en briques de terre. Seuls les temples sont en pierre.
L’architecture traditionnelle égyptienne était, et demeure une architecture de terre. Elle peut être plus belle que l’architecture de pierre, et de nos jours, l’architecte égyptien Hassan Fathi l’a montré dans son village de Gourna, prés de Louxor.
Mais les méthodes de deux architectures diffèrent totalement. Il n’est pas possible de passer de l’architecture de terre à l’architecture de pierre sans avoir bénéficie de leçons. Et les équipes de bâtisseurs, dans l’antiquité, étaient jalouses de leur savoir-faire. Chacune gardait ses secrets du métier, pour pouvoir se réserver les meilleures commandes et les chantiers les plus intéressants. On était bâtisseur de père en fils, et pour empêcher les fuites, les équipes livraient le chantier tout monté, avec la décoration et la plomberie. Seule l’action d’équipes étrangères – et chères – peut expliquer que les complexes religieux égyptiens soient en terre, la pierre étant réservée aux parties les plus importantes des temples.
En tout cas, si les Égyptiens avaient construit les pyramides, c’est à eue et non aux Phéniciens que le roi Salomon aurait, en 975 avant notre ère, confié la construction de son temple de Jérusalem, alors qu’il cherchait ce qu’il y avait de meilleur. Le pharaon, après tout, était son beau-père.
L’Imam Ouzai, patron de Beyrouth: Les droits des faibles sont inaliénables
L’imam Abd el- Rahman Ouzai naquit à Baalbek et fut élevé dans divers endroits de la Bekaa, avant d’être pris par sa mère à Beyrouth, ville qu'il ne devait plus jamais quitter.
C’est là qu’il enseigna, dit-on, dans une pièce qui se trouvait au bout du souk Tawilé. En mémoire de lui, on construit par la suite une fontaine en ce lieu.
Aujourd’hui l’endroit, qui a été englobé dans les propriétés de Solidere, ne rappelle plus l’imam Ouzai en rien, excepté par la plaque qui porte son nom.
C’est pourtant là qu’il écrivit et devint célèbre pour sa défense des opprimés face au pouvoir politique.
Ainsi, quand les Abbassides avaient vaincu les Omeyyades et s’étaient emparés de leurs biens dans la région, il leur avait déclaré que si ces biens avaient été légitimement acquis par les Omeyyades, ils leur appartenaient toujours et n’étaient pas à prendre, et que s’ils les avaient usurpés, il fallait les rendre à leurs propriétaires légitimes.
L’imam Ouzai est, pour les musulmans, ce qu’est saint Georges pour les chrétiens, et pour la même raison : il avait osé s’ériger en défenseur des faibles face au pouvoir auquel personne n’osait tenir tête.
Il est la personnalité musulmane, locale la plus vénérée à Beyrouth, tant par les musulmans que par les chrétiens. L’ancien premier ministre Sami Solh avait obtenu d’être enterré dans le cimetière de la mosquée ou se trouve son tombeau, faveur qu’on n’accordait autrefois qu’avec la plus grande parcimonie. Il vouait au grand imam une admiration sans bornes, et, le prenant pour modèle, défendait les faibles en tant que juge au tribunal (ce qui lui avait valu le surnom de « père des pauvres »).