In French, an Article by Zeina Sawaya - Noon Mag
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«Man’oushé, inside the street corner lebanese bakery» est un livre concocté par Barbara Abdeni Massaad, une inconditionnelle de notre «fierté nationale», la mankouché. Deux ans de travail acharné pour donner naissance à ce livre qui traite de la mankouché d’un point de vue sociologique, culinaire et artistique. Un livre pétri d’une histoire et d’une expérience personnelles ainsi que d’une passion pour la cuisine.
La mankouché est le dénominateur commun de tous les Libanais, quels que soient leur religion, leur sexe ou leur classe sociale», annonce d’emblée Barbara, Libanaise avant tout, mais issue d’un brassage de nationalités diverses: Libanaise de mère française et de grand-mère alépine, mariée à un Libano-belge, mère de 3 enfants, elle a vécu son adolescence aux Etats-Unis. Pendant deux ans, Barbara a sillonné les routes du Liban dans tous les sens sur les traces de la fameuse mankouché. Elle nous fait découvrir et partager cette expérience insolite. Le résultat est un livre atypique pour un mets des plus typiques.
Un coup de foudre pour la fameuse galette
Pour comprendre le pourquoi de ce livre, il faut comprendre le vécu de Barbara. En fait, la jeune femme, sans son histoire personnelle, n’aurait peut-être pas eu une idée pareille. Entre l’âge de 10 et 18 ans, Barbara et sa famille émigrent en Floride, où ils ouvrent un restaurant libanais. Depuis toute jeune, elle adore la cuisine. Quand elle finissait ses devoirs, elle allait donc aider son père au restaurant familial: «Je suis très connue pour ma pizza. J’ai “étudié” la pizza dans les livres et les pizzerias. Une fois de retour au Liban, je suis tombée amoureuse de la mankouché. Même si je suis diplômée en publicité et vente, ma passion a toujours été la cuisine. Après avoir travaillé dans mon domaine, et suite à la naissance de mes enfants, j’ai arrêté le boulot. Je voulais faire quelque chose qui puisse conjuguer mon rôle en tant que mère de famille, femme au foyer et ma passion, la cuisine. J’ai alors fait plusieurs stages pendant un an, dans différents restaurants renommés au Liban, pour apprendre, assouvir ma passion. Ainsi, quand j’ai eu l’idée de ce livre, j’ai été au four du coin pour faire un stage. J’ai mis le tablier, la main à la pâte, j’ai servi les gens. Le boulanger a été surpris mais content de voir quelqu’un s’intéresser à son travail. Les gens étaient curieux de me voir là-bas. Pour l’anecdote, certains clients faisaient un clin d’œil complice au boulanger, avec des propos péjoratifs: “Qu’est-ce qu’elle fait ici, celle-là?” Il leur répondait tout simplement mais avec fierté que je préparais un livre sur la mankouché. Un jour, j’ai même pris mon fils avec moi et je lui ai appris à utiliser la pétrisseuse.»
Au départ, pour Barbara, la mankouché, c’est tout simplement un dérivé du pain relevé par un peu de zaatar (thym sauvage libanais). Avec le temps, les genres de mankouché se sont multipliés et développés pour atteindre aujourd’hui 70 façons de garnir la pâte, répertoriées dans ce livre. Pour le réaliser, elle sillonne le Liban en compagnie de Raymond Yazbeck, photographe. Chacun recueille de son côté l’histoire ou la photo qui l’intéresse.
«Au début, raconte Barbara, j’ai été tellement contrariante, directive et minutieuse pour les prises de photos que Raymond m’a dit: “Tu sais quoi? Tu vas prendre toi-même les photos.” J’ai acheté le matériel nécessaire et, pendant un an et demi, on a fait la route ensemble. Chacun prenait la photo idéale pour son projet, vu que Raymond travaillait également sur deux autres ouvrages à lui. Nous avons tous les deux le contact facile, nous aimons les gens et nous discutons naturellement avec eux.»
Ainsi, Barbara et Raymond ne prenaient pas uniquement des photos mais écoutaient les histoires des gens rencontrés en chemin, en captant des moments de leur vie quotidienne.
L’une des richesses de ce livre, à travers photos et textes, c’est donc les gens de tout le Liban, dans leur interaction de près ou de loin avec la mankouché: des visages, des actions, des expressions de plaisir, de satiété, de fierté ou de tristesse, des histoires gaies ou moins gaies. Ils s’appellent Elie, M. Lahoud, Mme Iskinian, Fatmé, les Khalil…, et ils marquent ce livre et le lecteur, en plus des histoires de la mankouché, une de nos fiertés nationales, une des marques déposées du pays.
La recette idéale
Le livre comporte plusieurs parties, dont l’histoire personnelle et familiale de Barbara, son amour pour la cuisine, son expérience au forn (le four), son tour du Liban et l’histoire des gens rencontrés ainsi que 70 recettes de mankouché (ingrédients, matériau et méthodes de cuisine).
«J’ai dû essayer toutes les recettes que je recueillais afin de les transcrire en grammage exact, explique Barbara, parce qu’au Liban, on te dit une poignée de sel, deux de sucre… En plus, j’avais, par exemple, 30 pages sur la façon de préparer le fromage pour garnir… J’ai dû faire une analyse et plusieurs applications afin d’obtenir la recette exacte et parfaite. J’ai aussi vécu une très belle expérience: j ai moi-même cueilli le zaatar, séché, moulu et mixé avec les autres ingrédients pour arriver à la parfaite composition. C’est de cette manière que l’on obtient le meilleur goût de mankouché.»
De Baalback à Anjar, de Chatila à Batroun, en passant par Beyrouth et Tyr, on peut découvrir à travers ce livre les mille et une façons de préparer et de manger la mankouché.
«Parfois, j’organise des soirées à la maison, j’installe le saj (sorte de four traditionnel de forme circulaire) et je fais des manakich (pluriel de mankouché). Les gens adorent ça! C’est tellement bon et, en plus, c’est une thérapie que de faire soi-même ses manakich. D’ailleurs, c’était lors de l’une de ces soirées que j’ai annoncé à mes amis que j’allais faire un livre sur la mankouché. A l’époque, ils se sont tous moqués de moi. J’ai donc été ravie de relever le défi. La réalisation de ce livre a été un challenge. Mon mari m’a beaucoup supportée; mes enfants et mes parents ont également été impliqués.»
Déterminée et battante, Barbara incite les gens à acquérir des saj pour faire leur mankouché-maison et perpétuer la tradition. Et de conclure: «J’ai voulu laisser mon empreinte au Liban. Chacun le fait à sa façon. J’ai fait quelque chose pour mes enfants et pour mon pays. Ce livre, c’est ma vie, le Liban que j’adore, et ma nourriture fétiche, la mankouché.»