Pour Ali Chams, la couleur, une dominante du champ du regard
L’Orient-Le Jour / Culture
Pour Ali Chams, la couleur, une dominante du champ du regard...
Seizième exposition de Ali Chams*. Chant des couleurs et de la nature dans une alchimie entre abstraction et suggestions figuratives. Alchimie éclatante de beauté et de sérénité dans le mélange et la confusion même des lignes et des tonalités adroitement agencées.
À la galerie Aïda Cherfan (place de l’Étoile) dix huit huiles, trois gouaches et trois pastels-huiles, de dimensions variées (la plus petite est de 25x29cm et la plus grande de 1m50x2m) pour un univers habité de rêve, de lumière et de transparence.
Cheveux plus sel que poivre, regard pétillant derrière d’épaisses lunettes de myopie, silhouette menue, chemise d’un jaune flamboyant (qu’on croirait surgie de l’une de ses toiles), pantalon gris à petits carreaux, baskets blancs, Ali Chams s’éloigne respectueusement de ses tableaux pour mieux les scruter, les détailler, les observer. De sa licence en philosophie, outre des études de beaux-arts à Saint-Petersbourg et à Paris, le peintre a gardé le goût des explications détaillées et «philosophiques». Mais cela ne l’empêche pas aussi de parler, en termes simples, dès qu’il s’agit des couleurs, d’une palette, d’un pinceau, d’une inspiration.
«Ces paysages, dit cet artiste résidant à Rmeilé, sur les hauteurs de Saïda, ce ne sont ni les paysages du Sud ni de Baalbeck, mais ceux du monde entier. C’est une vision universelle que de capter l’essence de la nature, si fuyante mais aussi si captivante dans son innombrable diversité. Car l’imagination est à la base de toute création. Si je suis fidèle à moi-même, mon inspiration et ma palette? Bien sûr, et cela depuis que j’ai plongé dans le travail artistique. Le rapprochement entre mes œuvres antérieures et celles récentes est clair depuis que j’ai commencé à peindre. C’est-à-dire depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. J’ai une affection particulière pour les arbres. Ils sont source de nombreuses fragrances, donneurs de fruit, anti polluants et dispensateurs d’ombre. Ma définition de la peinture? Depuis que je suis petit je perçois tout à travers la couleur. C’est la couleur qui me dicte les contours et une couleur en appelle ou en exclut une autre. C’est ainsi que s’opèrent mes mélanges et mes harmonies.»
Le regard se pose avec plaisir sur ces toiles en fête. Des toiles avec qui on peut vivre indéfiniment tant elles sont propices à la rêverie, au besoin de silence ou de paroles, à la transparence, à une lecture toujours souriante, heureuse. Comme des paysages vus du hublot d’un avion, ou des bouts de tapis caucasiens aux nœuds bien tressés, aux figures toutes formes confondues et entrelacées, ces toiles, d’un lyrisme intense mais bien canalisé, relèvent surtout du domaine de la profusion, de l’explosion et de l’exubérance des couleurs.
Cela va du camaïeu de bleu (bleu indigo, bleu méditerranée, bleu océan, bleu de Prusse, bleu azur) au mauve dégradé et décliné en gerbes de lavandes odoriférantes, en passant par des touches de rouge cardinalice, rouge des tuiles, rouge des coquelicots, le spectre des tonalités violettes (violet épiscopal, violet d’améthyste, violet d’outremer, violet de cobalt), le jaune soleil, le jaune paille, le jaune safran, le jaune curcuma, le jaune indien, le jaune de Perse, le blanc écume, le blanc deuil des reines, le blanc dioxyde de titane éclairé par le soleil de midi, le blanc lys, coton ou marguerite, le vert sapin, le vert malachite, le vert chlorophylle, le vert émeraude, le verre sirop à la menthe, le vert anis, le vert de gris qui sommeille sur le cuivre, le laiton ou le bronze...
C’est ce magnétique écheveau de couleurs qui a le dessus sur l’ensemble de la représentation de ces toiles vibrantes d’une vie particulière et intense. Celle d’un incroyable amalgame de couleurs, toutes à l’éloquence volubile et vibrionnante.
*L’exposition de Ali Chams à la galerie Aïda Cherfan se prolonge jusqu’au 29 juin courant.