... L'artiste selon Claude Roy (L'art à la source, Gallimard, 1992, p:203, Folio) nous parle de la grande et constante joie des hommes, de cet instant où ils passent de l'autre côté du miroir, de ce côté du miroir où il n'y a plus de "sauvages" et de "civilisés", de "barbares" ni de "savants", mais seulement des mortels qui oublient un moment qu'ils ne sont que des mortels - et qui ne le sont peut-être plus.
Sculpteur autodidacte, Boulos Richa est né en 1936 à Jdabra, village qui surplombe Batroun. Après son certificat d'études primaire, obtenu dans l'école du village, il est comme naturellement orienté vers le travail de forge. Ce métier, il l'exerce avec sérieux et assiduité jusqu’à recevoir, discerné par toute la contrée, le titre de maître ferronnier et le surnom de "Akhwat el-hadid", le "fou du fer".
C'est qui a toujours été fasciné par ce matériau qu'il chauffe au rouge, bat, brûle, martèle, coupe, tortille, puis cisèle et assemble, les techniques de traitement de ce matériau et ses étapes de fabrication n'ont pas de secret pour lui. A partir de 1964, au delà de ce savoir-faire, s'impose à lui un besoin impérieux de création. Ses premières œuvres d'art seront montrées au grand public, à Batroun, en 1969.
D'autres expositions vont se succéder à Beyrouth: en 1972, à la Jafet Library de l'AUB; en 1975, à la Galerie Contemporaine; puis au Salon du Printemps organisé par le Ministère de l'Education Nationale. En 1992, la Galerie Brigitte Schéhadé présente au public parisien une rétrospective de son travail. A partir de 2007, on le trouve en permanence à la Galerie Alice Mogabgab pour des expositions personnelles ou collectives.
L'art de Boulos Richa se nourrit de tout ce que son environnement lui dévoile comme galets, balustrades ou autres fragments architecturaux. Toutefois, sa prédilection va aux pièces de moteur qu'il trouve irrésistibles, de la modeste Solex aux voitures les plus recherchées. Des matériaux ayant roulé leur bosse, rempli leur temps et carburé se retrouvent unis, récompensés et trouvent vie grâce à l'artiste.
Sa main crée des merveilles: Tortue ou grenouille? Amants ou serpents? Coq ou cavalier? - vous direz-vous. Autant de créatures étonnantes qui vous interpellent.
Il n'y a plus de "sauvages" et de "civilisés", de "barbares" ni de "savants"... mais seulement de l'art à sa source.
Pascale Chécri (Texte et images de cette première page ont été prises du livret Boulos Richa par la Galerie Alice Mogabgab)