Le peintre est décédé en Fevrier 2021
Suite à des études d’architecture et d’urbanisme entre la France et la Belgique, Abdallah Dadour rentre à Beyrouth en 1970 où il fonde son agence spécialisée en architecture, en entreprise et en immobilier. À son compte, plusieurs projets construits, principalement au Liban, au Moyen Orient et en Europe. Durant plusieurs années, il participe aussi en tant que professeur au monde académique et pédagogique de l’Université Saint Esprit Kaslik, au Liban.
Sa passion pour le domaine des arts visuels, particulièrement pour le dessin et pour la peinture qu’il pratique depuis son adolescence, le pousse à concevoir un espace consacré à la promotion des arts. En 2004, la Galerie Surface Libre ouvre ses portes.
Les toiles de Dadour, résultats infaillibles d’études, le plus souvent en croquis, sont d’une simplicité poignante mise en valeur par un traitement particulier de la composition, de la couleur, de la nuance et de la lumière. Intemporelles, ces toiles se justifient par une compréhension de son époque, amenant le spectateur à interpréter et à interagir, sous l’empreinte de la poésie, avec le visuel en question.
Sa pratique artistique lui a aussi permis d’explorer une nouvelle technique basée sur la transparence de couches superposées de couleurs. Impressionnantes, celles-ci confèrent à l’espace du tableau une tonalité spirituelle indéfinissable et subtile.
Éloge du lendemain par le pinceau de Abdallah Dadour par Edgar DAVIDIAN | OLJ L'Orient le jour 24 Juin 2014
Impressions de voyages et contemplation où viennent se ranger des images de tous crins. En un éloge au lendemain, source de lumière, d'énergie et de nouveauté.
Calfeutrée dans un écrin de verdure entre peupliers aux feuilles frémissantes et gazon bien entretenu, la galerie Surface libre affiche en effet, en toute joie et sérénité, sa liberté. Celle d'être en retrait de toute pollution et béton sauvage environnant.
Petite déambulation au milieu de ces toiles aux couleurs vives et franches (allant de 80 cm x 80 cm au 180 cm x 195 cm x 130 cm) où la peinture est un moment de beauté capté par un pinceau sensible au mouvement, à la mobilité, au glissement du temps et aux remous de l'âme.
De Liège où il a fait ses études à Montréal où il a séjourné, en passant par Beyrouth où il vit, Abdallah Dadour, à 70 ans, silhouette svelte et cheveux blancs comme neige, a toujours le regard tourné vers l'avenir. Pour lui, demain est un bien précieux, même en temps de guerre il n'a jamais connu le désespoir.
« La peinture pour moi est un délassement, un amusement (il en est à sa sixième expo individuelle !), dit-il. L'abstraction moderne relève davantage de la raison que du cœur. J'ai une masse de fusains et de dessins que je présenterai bien un jour au public, mais l'huile est mon talon d'Achille, ma manière profonde de m'exprimer. Je dirais même que la peinture à l'huile, c'est comme le piano pour la musique... ».
Dans cette valse des notes émergent alors des images venues des quatre points cardinaux. Des longs périples accomplis aux périodes de sédentarité, c'est toujours un fructueux stock d'instantanés qui vient assaillir le chevalet et la toile. Avec des titres judicieusement choisis et qui respirent une certaine poésie.
Tenez, par exemple, « Dialogue des draps » pour de la lessive qui sèche comme aux balcons de Naples ou d'Achrafieh... « L'été indien » pour l'incandescence d'une végétation aux tons jaune roux en automne, ici ou ailleurs... « Le banquet » pour des agapes de noces sous des lampions échappés à un courant impressionniste, joie universelle des couples à l'espoir éclaté en ce jour de ripailles... « Les moutons de Panurge » pour une foule pressée et empressée, coude à coude féroce pour une masse humaine compacte comme pour une montée en train... « Mille et un poissons » pour un fond marin, loin des filets des pêcheurs, grouillant et frétillant de nageoires et d'écailles luisantes.
En petites touches tel le pointillisme de Seurat ou en traits fuyants ou sciemment brouillés comme pour le tremblé d'une photo, l'univers de l'artiste flirte avec un certain cinétisme. Pour capter le froid glacial d'un paysage du nord de l'Amérique, pour fixer les façades d'immeubles saisis par la nuit sous une neige en rafales, pour dégorger l'éclat des hameaux à flanc de montagne avec leurs maisons en cascades, coiffées de toitures rouges (et on pense bien entendu ici à l'univers de Mahmoud Safa et ses villages du Sud), pour saisir l'éloquence du corps dans la danse (attitudes bien béjartiennes !), pour rendre une âme à un mûrier sans feuille qui se profile sur un azur à faire rêver...
Tout cela Abdallah le trace méticuleusement, patiemment, en douceur. Un monde feutré et bien léché qui n'abdique jamais au sens de l'esthétique toujours prévalant. Même quand c'est une non-voyante qui en est l'objet ou une divorcée qui cache mal son angoisse de vivre... Car le peintre est convaincu qu'une œuvre a toujours son rayonnement, ses vibrations et sa voix secrète. « On dialogue avec une toile », affirme-t-il.
Agonie du ciel, huile sur canevas, 120x 100 cm
Angoisse de la divorcée, huile sur canevas, 150 x 100 cm
Des abscents, huile sur canevas, 68 x 53 cm
Dix ans après, huile sur canevas, 82 x 60 cm
Femme au parapluie noir, huile sur canevas, 120 x 150 cm
Hiver 1994 Montreal, huile sur canevas, 180 x 120 cm
Les moutons de panurge, huile sur canevas, 160 x 260 cm
Ma petite maitresse, huile sur canevas, 100 x 70 cm
Mont Saint Martin, huile sur canevas, 180 x 180 cm
Murier de mon jardin, huile sur canevas, 195 x 130 cm
Le reflet du silence, huile sur canevas, 120 x 80 cm
Son aigu, techniques mixtes sur bois, 160 x 120 cm