(TEXT IN FRENCH) Grand pionnier de l’Art Libanais, un peintre qui a subit la formation du classicisme académique, va le délaisser pour se laisser prendre par l’impressionisme au point de négliger parfois le dessin au profit de la grâce et de la fraîcheur.
Khalil Saleeby un peintre libanais, né le 12 mars 1870 à Btalloun, district d’Aley du Mont-Liban. Fils unique de Makhoul et Saada, deux villageois propriétaires de terres. Dès son enfance, il aime la solitude, et préfère faire des promenades dans les champs voisins. Il recherche les couleurs dans la nature, il aime les fleurs sauvages. Comme s’il était instinctivement attiré par les couleurs .
Il va à l’école du village “sous le chêne” Et quitte le village à 11 ans, pour poursuivre ses études dans les écoles des missionaires américains et anglais à Beyrouth . En 1886, il commence ses études universitaires au Collège Protestant Syrien, devenu plus tard l’Université Américaine de Beyrouth (AUB). Il enrichit ses goûts pour la couleur dans les années d’études à l’université, habitant près de la mer, et entouré de verdure.
Le jeune Saleeby a commencé sa carrière de dessin avec des bouts d’allumettes. Jamais ses parents ne l’ont encouragé à dessiner, mais rien ne l’a arrêté de poursuivre ses rêves.
En 1890, avant d’atteindre l’âge de vingt ans, il quitte le pays, pour aller en Angleterre, enrichir ses dons artistiques.
A Edimbourg, il étudie la peinture académique, et fait la connaissance de plusieurs peintres, il se lie d’amitié avec le célèbre peintre anglo-américain John Singer Sargent(1856-1925). Là-bas, il participe à plusieurs expositions, et grâce à “La Vénus de Milo”, il obtient en 1899, la médaille d’or du Salon d’Edimbourg.
Saleeby quitte l’Angleterre, et c’est sur l’avis de Sargent, qu’il se rendit aux Etats-Unis où il séjourna quelque temps. Toujours passionné de son art, il expose à Chicago. Le moment le plus important de son séjour, fut sa rencontre avec Carrie Aude la femme de sa vie, jeune américaine de Philadelphie et d’origine germano-flamande. Ils se marient, puis rentrent en Angleterre pour s’installer à Edimbourg, puis à Londres. Carrie est le grand amour de sa vie, et le sujet le plus passionant de ses belles oeuvres artistiques.
De son passage à Paris, il fait plusieurs connaissances, si importantes, qu’elles affectent et développent ses couleurs. Il prend des leçons avec le grand peintre français Pierre Cécile Puvis de Chavanne (1824 – 1898). Celui-ci connu parmi les peintres du XIXe siècle pour son individualisme, affirma plus d’une fois sa foi dans le travail de Saleeby, déclarant qu’il lui rappelait le pinceau de son maître Eugène Delacroix. Il fait la connaissance en même temps avec le réalisme de Courbet. Celui-ci s’est paré d’un vêtement impressionniste et dévoile une nature plus riche en couleurs, plus gracieuse et plus mouvante que la banale réalité.
Il exposa aux Indépendants, au Salon, et chez Durand-Ruel, ce qui lui donna renom et notoriété. Il se lie d’une grande amitié avec le peintre français Pierre Auguste Renoir (1841-1919) et fut impressionné par ses couleurs et sa recherche de la lumière, Renoir était un grand impressionniste.
En 1898, de retour à Londres, il y reste jusqu’en 1900. Son raffinement des couleurs le place parmi les grands portraitistes, tels que Sir Joshua Reynolds (1723-1792) et Sir Thomas Lawrence (1769-1830).
La nostalgie pousse le peintre de retourner à ses racines, à son pays, le Liban.
Accompagné par sa femme Carrie, il loue une maison dans le quartier chic de Kantari, à Beyrouth, non loin de la mer, et installe son atelier à la rue Bliss, face à l’entrée principale de l’Université Américaine où il esnseigna la peinture pendant de longues années..
Ce qui lui manquait durant les dix ans de formation en Occident fut le ciel clair du Liban, ses baies bleues et ses montagnes vertes. Tous ces éléments présents ensemble ont permis au peintre de s’exprimer librement selon ses désirs.
Il peint beaucoup de portraits des villageois, des amis et des parents.
La beauté et la grâce qui émanent de ses portraits féminins, autre que les couleurs naturelles utilisées par le peintre, nous portent à nous demander, si ces portraits vont finalement pouvoir parler !
Pour sa retraite et sa méditation, il choisit Cliff House comme demeure campagnarde. Perchée sur une falaise surplombant Btalloun et c’est là qu’il a pris la douceur de ses couleurs. De même, il loua une seconde résidence à Souk el-Gharb après la déclaration de l’Etat du Grand Liban le 1er septembre 1920, pour être plus proche de sa famille et de ses amis. Et pour pouvoir dessiner les villageois, il utilisa la maison de son cousin Girgis Saleeby.
Saleeby, comme Renoir, fut considéré comme un rebelle car il s’opposait au style académique de son époque.
Durant l’époque de la première guerre mondiale, Saleeby passe fréquemment au Caire, là où il excelle vraiment dans la représentation du hall de l’Heliopolis Palace. Les critiques considèrent ces deux tableaux comme les plus beaux chefs-d’oeuvre de l’artiste.
Saleeby a trouvé les moyens plastiques pour traduire les effets de la lumière sur les matières comme le vitre, le métal, le marbre, le sol… Il donne à tous les objets la meilleure texture. Il s’est intéressé même aux petits détails ce qui crée une atmosphère de vie.
Carrie est l’amour de sa vie, une jeune américaine d’un milieu culturel raffiné. Carrie était blonde aux cheveux châtains roux. Elle avait un beau sourire, une belle taille et un langage doux. Mariés aux Etats-Unis, ils vont en Angleterre, à Paris et finalement au Liban.
Sa palette est celle d’un coloriste toujours ému par les vibrations de la lumière. Ses portraits, ses nus d’après sa femme Carrie font ressortir tout le velouté, toute la fraîcheur d’une peau de rousse. Et puis il y a ce cou tendu qu’il décrit avec complaisance.
L’artiste n’a pas eu de descendance. Et à propos de ce sujet, son disciple le grand peintre Omar Onsi affirme que Saleeby n’a pas laissé d’enfants, mais des tableaux d’une splendeur et d’une perfection singulières.
Il crée sa propre école de peinture, tout comme Renoir, il est un révolutionnaire sur le style académique de son époque. Sa révolution était une grande croyance dans l’avenir de l’art libanais. Il est reconnu comme le père de la renaissance artistique libanaise, qui est apparue dans la première moitié du XXè siècle. Parmi ses disciples César Gemayel (1898-1958) et Omar Onsi (1901-1969), sont devenus de grands peintres impressionnistes.
Saleeby est un artiste qui baigne dans un monde de couleurs douces, lumineuses et flamboyantes, et ne manque à ses sujets personnifiés que la parole.
A cinquante-huit ans, au sommet de sa gloire, ce grand peintre qui a fait le tour du monde artistique, doit affronter la mort… A un temps où tous les salons d’art connaissent le maître artiste Khalil Saleeby, le destin était dur avec lui. Accompagné par sa femme, en rentrant de la plage, le soir du Samedi 7 juillet 1928, ils furent assassinés par les hommes de son village. Et la cause de sa mort était un conflit sur le droit d’usage d’une source d’eau !
Rabih Machaalany.
Référence « L’impressionnisme au Liban », DEA - USEK - 2001