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Georgé Chanine

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(Photo de l'artiste par le photographe Gilbert Hage)

Il convient de saluer, six ans après son départ, la mémoire et l'œuvre de Georgé Chanine qui a marqué tous ceux qui l'ont connu et qui fut un homme, mais surtout un peintre, en perpétuelle recherche.

J'ai encore en mémoire la dernière conférence de Georgé Chanine donnée à la Salle Polyvalente de l'ALBA où il enseignait l'Histoire de l'Art…

Je l'entends encore s'exprimer sur ses « Transfigures », ses dernières œuvres, alors qu'il était déjà atteint par la maladie… Je l'entends encore expliquer à un parterre composé de professeurs, d'artistes-peintres, de journalistes, de critiques et d'amateurs d'art, venus écouter religieusement son exposé: « La nature-morte en tant que forme de l'art a toujours existé, même d'une manière timide, affiliée à des genres officiels… Dans mes « Transfigures », il y a transcendance « spatiale » de la banalité… » Et de nous présenter un exposé magistral sur ce sujet qui est, confiait-il « négation même de mes Transfigures… »

J'ai bien connu Georgé Chanine, cet homme secret, réservé, pudique, mais qui se déchainait face à son chevalet, dans l'intimité de son atelier.

J'ai bien connu cet esthète, ce poète, cet artiste de grand talent qui disait encore: « Mon œuvre expulse tout contenu et toute finalité. Chacune de mes compositions devient en quelque sorte abstraite et figurative à la fois, exprimant forme pure, la finalité sans fin… J'accorde des couleurs et des formes autonomes qui agissent les unes sur les autres, posent des problèmes, suggèrent des solutions. Se crée alors un fait pictural qui ne répond à aucune idée préconçue… Mes « Transfigures » deviennent alors des expériences… »
Si la voix de Georgé Chanine s'est tue, l'œuvre, elle, est restée à jamais gravée dans nos mémoires et dans le paysage de l'art libanais.
Georgé Chanine était un artiste d'aujourd'hui, un créateur dont l'art témoignait des nostalgies et des volontés secrètes d'une époque infiniment complexe.

Durant tout son itinéraire artistique, Georgé se sera refusé à toutes formes de concessions, refusant la facilité, voulant démontrer que tout sujet pouvait découler d'une inspiration qui trouve sans artifice son langage, sa structure expressive.

Georgé était membre du groupe « Réalité Seconde » et sa démarche s'appuyait essentiellement sur toutes ses expériences ou ses émotions d'homme et de peintre. Après une période abstraite ou il se laissait aller au plaisir des formes et de la couleur, il savait mieux que quiconque rendre cette partie invisible de l'esprit de l'art qui ne peut exister que conjointement avec sa matérialisation. Dans toutes ses réalisations, il y avait une interdépendance entre le visible et l'invisible, entre la matière et l'esprit, passage d'une présence à une absence…

Je regarde encore une fois aujourd'hui ces dernières compositions, ces œuvres noires ou, partant souvent d'un objet familier, Georgé épurait son modèle avant de le livrer à la peinture et par elle, s'expliquer avec elle.

Cette dialectique du trait et de la forme, du dessin et de la couleur l'amenait très vite à entrevoir des possibilités d'une expression figurative à travers laquelle il exprimait le meilleur de son talent.

Il n'y avait pas de place ici à l'aventure hasardeuse, ici la « surréalité » se trouvait au cœur de la réalité, là ou s'opère la fusion de tout ce que le savoir, la logique, la technique prenaient plaisir à « séparer », à « morceler » en significations partielles.

Avec une conscience très lucide de lui-même et des fondements de l'art, cet artiste avait défini ses préoccupations essentielles, exécutant le vouloir d'une réalité nouvelle où son génie s'imposait.

Dans la préface de l'un de ses catalogues, André Sablé, peintre et organisateur du groupe « Réalité Seconde » écrivait: « Georgé Chanine est un sismographe de vibrations profondes de l'être… Ses toiles sont des espaces graves parcourus d'éclats, de signes, de fulgurances colorées… » Pour conclure, je voudrais également rendre hommage à cet artiste-poète qui, délaissant le temps d'une réflexion ses pinceaux, écrivait:

« J'attends un lendemain comme je le désire, c'est mon testament d'un jour Moribond… Envier ces instants, ces heures, ces échéances, ces ombres somnambules. Partir aussi loin que mes tripes m'en conjurent, sans rendez-vous aux multiples rencontres… Fortuites rencontres… Aux quatre bouts de l'univers et plus… »

Aux quatre coins du monde Georgé, tu as peut-être atteint ce que tu cherchais, cette possibilité d'être multiple, d'être partout et nulle part, partout et dans nos esprits encore aujourd'hui, quand nous voulons saluer ta mémoire. Chapeau l'artiste!

Sonia Aslanian

Featured Works

 One silver night in June, huile sur acrylique, 65 x 92 cm - Collection particulière
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 Transfigure XIX, 1993, acrylique, 77 x 61 cm - Collection privée
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 Transfigure VII, 1993, acrylique, 77 x 57 cm, Collection du Musée Nicolas Sursock
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 Portrait à la cravate, 1990, acrylique et pastel sur carton, 30 x 40 cm, collection particulière
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