Filmographie

1975. Beyrouth Ya Beyrouth avec Ezzat El Alayli et Mireille Maalouf.
1977. Kamal Joumblatt Documentaire.
1978. Tesoun Hommage à Mikhail Naimé.
1978. La plus belle des mères Documentaire.
1979. Koullouna lil watan Documentaire sur le Sud du Liban.
1980. Hamasat avec Nadia Tueni.
1980. Nostalgie d'une terre en guerre Documentaire.
1982. Houroub Saghira avec Soraya Khoury et Nabil Ismail. Sélection officielle Festival de Cannes, de New York, Miami, Los Angeles, San Francisco, Baltimore, Taormina.
1987. L'Homme Voilé avec Bernard Giraudeau et Michel Piccoli. Sélection officielle Festival de Venise. Prix d'Interprétation Masculine, Ciak d'Oro, attribue à Bernard Giraudeau.
1988. Liban: Pays du Miel et de l'Encens avec Richard Bohringer et Robin Renucci. Grand Prix de la Croix-Rouge du Festival de Monaco.
1989. Marat avec Richard Bohringer. Grand Prix du Festival de Valencia.
1990. Slowly, Slowly in the Wind avec James Fox et Maryam d'Abo.
1991. Hors La Vie avec Hippolyte Girardot. Sélection officielle Festival de Cannes. Prix Spécial du Jury Cannes 91. Prix Spécial du Jury de la Biennale de l'I.M.A. Grand Prix du Festival de Cologne. Prix d'interprétation masculine Hippolyte Girardot à Cologne.
1993. La Fille de l'Air avec Béatrice Dalle et Thierry Fortineau.

Maroun Bagdadi - Mon dernier Scenario

Le front très haut, le cheveu très noir, il a dans la voix l'écho lointain de la Méditerranée.

On l'a tous connu, dans un jardin à Gemmayzé, dans un café, chez lui, à Cannes, au Caire, à Paris, à New York ou à Beyrouth, mais aucun, sûrement aucun ne peut seul dire tout ce que Maroun était, sans rien oublier. Voila pourquoi on a choisi de les faire parler, ses amis, ses acteurs, la presse, ses admirateurs, et même toi Maroun, à travers tes années, et ton ultime scenario, le Dernier.

Les Années d'envol 1975 - 1982 - Beyrouth Ya Beyrouth 1975

"Mars 1975, Maroun Bagdadi rentre de l'IDHEC, realise son premier long métrage de fiction: "Beyrouth Ya Beyrouth" (Beyrouth O Beyrouth). Le scenario raconte le drame d'une jeune Libanaise déchirée entre deux hommes, dans une ville en perdition. Septembre 1975: la guerre éclate,"

"Beyrouth Ya Beyrouth! contenait déjà dans ses balbutiements et ses maladresses, l'énoncé visuel du pluralisme libanais, la différence de chacun basée sur la tolérance de l'autre. La guerre libanaise est venue rompre ce consensus."

"La guerre il hait. Mais Beyrouth, il adore. Depuis sept ans Beyrouth est en guerre, et malgré lui, il lui a fallu apprendre à s'attacher à ce qu'il détestait. Tout juste avant que les combats ne commencent en 1975, Maroun Bagdadi nous avait présenté sa ville dans son premier film "Beyrouth Ya Beyrouth". Avec la candeur de l'enfant poète, il annonçait l'enfer au moment où l'on croyait encore que le Liban avait été inventé pour abriter à perpétuité le Club Méditerranée au bord de la zone des tempêtes. Lui, le tout jeune homme, avait compris que le cœur du cyclone allait s'abattre sur la villa de vacances."

"Si le mot tendresse n'avait pas aussi servi à lancer des pâtes dentifrices, j'aurais dit: "c'est un grand garçon tendre". Si le mot pureté n'avait pas été associé à toutes les marques de lessive, j'aurais dit: "c'est un grand garçon pur". Il faudrait pour parler de certains êtres, se rafraichir la mémoire et réinventer des mots. Disons, pour le situer, qu'on ne marchande pas avec son regard ou, pour être Libanais, que ce regard n'est pas négociable."

"L'été dernier, projeté dans le cadre des journées cinématographiques du cinéma méditerranéen, le film soulève l'enthousiasme général. La critique occidentale parle du metteur en scène comme d'un "grand poète de la camera" et le public ovationne " un film prémonitoire, un poème d'amour à Beyrouth, une introduction à la guerre libanaise."

Tesoun - 1978

"Pour l'hommage qui sera rendu à Mikhaïl Naimé tout au long du mois de Mai, le comité chargé d'organiser la manifestation a commandé un film au jeune cinéaste libanais Maroun Bagdadi. Ce sera un court métrage en couleur d'une quarantaine de minutes."
"Formé à l'école du petit écran, Maroun Bagdadi aborde le portrait de Naimé avec infiniment de minutie. Une heure durant, il filmera des gros plans des mains que l'âge fait trembler légèrement. La caméra est à deux mètres du vieillard, mais au zoom, c'est un très gros plan de l'œil qui est enregistré sur pellicule, alors que Naimé parle de la folie de l'homme esclave de l'argent."

"Abordant en 1978 un court métrage sur Mikhaïl Naimé "Tesoun", ce vieillard qui ressemblait alors à s'y méprendre à son père " qui ne parlait pas beaucoup mais quand il le faisait c'était avec une naïveté et une innocence qui nous déconcertaient." Naimé avait parlé à Maroun de la mort comme d'une étape qui est la plus prodigieuse de l'existence."

Koullouna Lil Watan - 1979

"Cet après-midi à 15h30 au Goethe Institut, le ciné-club arabe présentera la dernière œuvre du jeune cinéaste libanais Maroun Bagdadi "Koulouna Lil Watan" (Tous pour la patrie).

"Ce long documentaire (75 minutes) concerne tout particulièrement le Sud. En effet, Maroun Bagdadi a, durant trois mois, filmé ce qu'il voyait et ressentait en sillonnant le sud du Liban."

"Détail é souligner: "Koulouna Lil Watan " a obtenu le prix d'honneur du jury du Festival International de Leipzig."

"Film documentaire? Oui et non car le cinéaste n'a pas seulement enregistré l'immense tragédie née de l'agression israélienne mais aussi toutes celles issues de notre propre indifférence par rapport à cette région plusieurs fois, trop de fois meurtrie et oubliée."

Hamasat - 1980

"Mercredi dernier (salle des Champs Elysées) a eu lieu la projection privée de la copie zéro du film "Hamasat" (Whispers) produit par "H&C" pour la Banque de la Méditerranée et réalisé par Maroun Bagdadi avec la participation de Nadia Tueni."

"Dans "Hamasat", Nadia Tueni est principalement le regard de la camera. C'est à travers elle et son itinéraire que l'on perçoit la réalité issue de la guerre dans ses contradictions et ses paradoxes les plus merveilleux."

"C'est elle que l'on voit dans les vestiges de "Hajj Daoud", ce vieux café du front de mer, (la mémoire d'un certain Beyrouth) et dans le centre-ville détruit. C'est elle qui nous conduit dans la Bekaa et le Hermel lointain et abandonné."

"Et c'est à travers ses yeux que nous découvrons les souks renaissants de la très belle Tyr. C'est avec elle que nous nous promenons dans les dédales - des vestiges déjà - du vieux Sérail et c'est avec elle que nous découvrons à travers le regard de dizaines de Libanais les mille et une séquelles de cette interminable guerre. C'est tantôt le paysage apocalyptique de Beyrouth et tantôt un matin orageux a Ain Mreissé avec un enfant unijambiste qui joue à défier les vagues ou la vision crépusculaire d'un cheval dévalant les artères de la nouvelle Beyrouth de béton."
"Film résolument optimiste? "Hamasat" l'est dans les multiples témoignages de ces Libanais qui contre vents et marées, continuent à œuvrer, chacun dans son domaine, pour survivre. Mais c'est aussi un film réaliste qui se refuse à camoufler les vérités. La réalité est toujours là qui vous surprend."

Les Années de feu 1982 - 1989

"De quoi nous parle "Houroub Saghira" (Petites Guerres)? D'une génération entière qui a perdu son identité, d'une autre, celle qui a connu le "paradis libanais" et ne peut se rattacher qu'à des conduites régressives, dénégatoires."

"L'histoire de trois jeunes Libanais, une fille et deux garçons, pris dans l'engrenage de la guerre."

"Ne vous laissez pas tromper par le mot "Guerre" dans le titre ni par une affiche genre méli mélo passionaria et combattant, si j'ai envie de parler du film de Maroun Bagdadi, c'est parce qu'il n'est rien de tout cela, qu'il est un film de l'intérieur dans tous les sens du terme."

"Maroun Bagdadi va chercher les petites causes qui font les grandes guerres à l'intérieur de la famille."

"Bien sûr, il y a à l'intérieur de la guerre. chez les civils comme chez les combattants, des moments spontanés de solidarité humaine extraordinaire. C'est ce qui m'avait frappé surtout à Beyrouth. Mais Maroun Bagdadi parle en homme déchiré. Il perd la tête succombant comme moi-même à toutes les tentations du film d'action, mais lui, c'est quand il se perd, qu'il est le plus près de son sujet. Et comme Orson Welles, il met tout dans ce film ne sachant, vue la guerre, s'il y en aura un autre. Cette urgence existentielle de faire, et qui ne s'invente pas, donne un fabuleux élan à son ouvrage."

"Un voile a été levé. Il cache une jeunesse en porte à faux entre la vérité et le mensonge, entre la violence et la tendresse, l'humour et l'angoisse. Dans ces jeux de l'amour et de la mort, le hasard a peu de place, si ce n'est celui des balles perdues."

"Il y a la guerre du Liban dont parlent la presse, les médias, les hommes politiques avec ses "théâtres d'opération", ses combattants, ses morts nommés hautement "héros et martyrs", la présence étrangère. Et puis, il y a ces Petites Guerres que dépeint Maroun Bagdadi dans son long métrage, salué aux Festivals de Cannes et de New York."

Houroub Saghira 1982

"Maroun Bagdadi touche juste, fait pénétrer au cœur des passions du quotidien et des regards. Mais surtout au cœur de la blessure qui marquera à jamais l'héroïne du film, une beauté brune aux long yeux bleus, Soraya Khoury qui s'investit totalement dans son rôle avec une étonnante puissance émotionnelle, et qui deviendra sa femme dans la vie."

"Dans "Houroub Saghira" (Petites Guerres), il n'est pas question des combattants. Ceux-là qui étaient souvent très jeunes - les meilleurs, les plus idéalistes avaient seize, dix-sept ans - ont fait un choix. Mais mon intérêt s'est porté sur ceux justement qui ne pouvaient rien choisir, qui hésitaient entre partir et rester, entre le refus et l'acceptation de la violence, entre l'engagement et le compromis."

"Excellente presse pour Maroun Bagdadi. Tous favorables: du "Matin" a "Libération" en passant par "L'Express" et le "Nouvel Observateur", tout le monde s'en mêle. En bien."

"Présente au Festival de Cannes dans le cadre de la section "Un Certain Regard", le film "Petites Guerres" du Libanais Maroun Bagdadi a reçu un accueil très chaleureux de la part de la critique française. Il a déjà été invité dans de nombreux festivals: Montréal, Carthage, Taormina, Le Caire…"

"Shot in the luminous golden light of a Mediterranean fall, it breathes Beirut and its shattered, seedy buildings."

"To make a film about Beirut that eschews polemics for more universal, more human issues is itself an achievement. To do it with such skill and conviction marks Bagdadi as an important film maker of his time and place even if he does not work again. One can only hope that he does. Little Wars is enriched by the essential humanity of its director."

"Beyrouth, dit Maroun Bagdadi est une ville de délire. On peut y fabuler sa vie. On y voit la guerre, la mort, comme des choses devenues banales, normales. C'est une situation malsaine. Mes trois personnages ressemblent à tous les Libanais mais ils ont chacun, leur spécificité. A l'âge de Talal, tout le monde a rêvé de "tuer son père". Etre mythomane à la manière de Nabil, c'est jouer un rôle dans la vie. Soraya, bourgeoise, n'aura jamais - comme la bourgeoisie - sa place dans la guerre."

L'Homme Voilé - 1987

"Dès le premier plan (on avance entre des quartiers de viande, un homme arrache le cœur et le foie d'une carcasse et sourit), on sait que ça va valoir le détour. On reviendra souvent au milieu des viandes rouges, des tueries s'y dérouleront, et même des prières. Loin du Liban, c'est encore le Liban. L'Islam, la guerre, la ronde infernale et répétitive de l'horreur ordinaire."

"L'Homme Voilé aura sans doute du mal à trouver son public (c'est un film fragile et dérangeant) mais il mériterait de casser la baraque. On ne rencontre pas tous les jours un cinéaste capable de diriger des stars."

"Les personnages de l'Homme Voilé, plus particulièrement les hommes, sont arrivés au point ou ils ont perdu leurs rêves."

"Ce thriller doux, un peu trop abstrait parfois ( il a le frémissement des bons Pialat et l'impertinence de Rohmer) est en tout cas l'œuvre d'un cinéaste avec lequel il va falloir compter."

Maroun: "Mon film préféré, mon enfant préféré est le plus fragile et le plus vulnérable, c'est l'Homme Voilé. Le film est important pour moi d'un point de vue cinématographique, au niveau du langage et de la construction. Il comporte un enjeu, et à cause de cela, il est fragile. Dans l'histoire du cinéma, les films importants sont ceux qui déclenchent la polémique et les passions. Ils sont vulnérables parce que, comme des personnages marchant au bord d'un gouffre, ils risquent de tomber, alors on s'inquiète pour eux…"

"Je voulais, dit-il, vraiment faire un film aux Etats-Unis. Par attraction cinématographique sûrement. J'y ai passé deux ans. J'y ai écrit. Et puis j'ai débranché. A New York on vit dans des ghettos. Chacun le sien. Personne ne communique avec personne. Paris est tout le contraire de ça. Beyrouth était tout le contraire aussi. Donc c'est à Paris que je suis rentré. J'avais une phrase de Gide dans la tête lorsqu'il fait allusion au retour de l'enfant prodigue: "Il était désappris de lui-même". J'étais comme ça. Désappris de moi-même. J'ai eu envie d'écrire sur ce thème."

Liban: Pays du Miel et de l'Encens - 1988

"Médecins des hommes" sur le Liban, ce "pays de miel et d'encens" devenu pays de sang et de larmes. Toutes les émotions d'un homme au cœur blessé, Maroun Bagdadi.

"Il a signe cet épisode bouleversant et nuancé."

"Une entreprise pour laquelle Robin Renucci ne masque pas son enthousiasme. Coup de chapeau aussi au réalisateur avec lequel il s'est bien entendu: "J'aime ce que fait Maroun parce que c'est la reconstitution pure et simple de la réalité. C'est un chef qui a de l'autorité sans "coup de gueule" et c'est très appréciable dans ce métier. Quant à Richard Bohringer, n'en parlons pas. Subjugué. Richard s'est offert d'un bout à l'autre à son personnage."

Maroun: "C'est une guerre tellement humaine! Ce qui caractérise le Liban, c'est la dérision. A force de vivre avec la guerre et la violence, l'héroïque côtoie en permanence le dérisoire."

"La guerre du Liban n'est pas terrible, elle est naturelle. C'est ce qui la rend terrible". "On s'est quitté bouleversés. Il était quatre heures du matin le dernier soir, dans les couloirs du Méridien. J'ai ri, jusqu'au fond des yeux avec eux. On avait fraternisé. J'ai vécu "Libanais" pendant quinze jours, du matin au soir."

"Je me souviens de Maroun Bagdadi. J'ai décollé avec lui. Il voulait m'enchanter. J'avais rencontré un enchanteur. Je voyais tout. Avant la guerre. Pendant la guerre. Beyrouth, la terreur. Beyrouth, le bonheur. L'Orient. Les tribus dans les collines. Beyrouth en fleurs. Je voyais tout. Maroun, t'étais un vrai seigneur. Un charmeur sincère."

" Je t'ai rejoint quelques mois plus tard. Pour faire l'acteur dans un de tes films."Le Pays du Miel et de l'Encens". Toubib, j'étais. Plus Libanais que les Libanais. On a chanté ensemble la nuit sous les oliviers autour d'une grand table. On est parti à la guerre. Les ambulances hurlaient avec des gardes armés de kalachnikov. Formidable souvenir d'avoir appris. J'ai mange le foie cru. J'ai bu l'arak. Tard dans la nuit, dans la basse ville. Avec ton sourire. On était heureux ensemble."
"Le Pays du Miel et de l'Encens est un film éclatant de vie, d'intelligence, d'humour et de tendresse. La guerre du Liban comme on ne l'a jamais vue à l'ecran. Loin de toute pathétique larmoyante, loin des positions préconçues, un film très violent et très tendre, foisonnant de personnages secondaires, d'actions parallèles qui font tout son charme et son authenticité."

Les années de Gloire 1989 - 1993 - Marat 1989

"L'insoutenable légèreté de la série "Les Jupons de la Révolution" se pimente avec "Marat". Foin des images d'Epinal, le cinéaste Maroun Bagdadi humanise l'Histoire. Avec son Liban et ses tripes."

"C'est au tour du jeune (trente sept ans) cinéaste libanais Maroun Bagdadi de trousser les Jupons, et voici qu'apparaît un drôle de Marat, jeune, tout de fureur par François Negret et Richard Bohringer jusqu'à la fin que l'on connaît, coulé dans sa baignoire par Marie Trintignant. Fameux lapin mi-charlatan, mi-opportuniste, "ami du peuple" iconoclaste, grand eczémateux devant la terreur forcée, comme à Beyrouth, par un metteur en scène qui se dit "acculturé" ou "déculturé". Séduisant essai de métissage de l'histoire de France à propos de l'un de ses "héros" les plus controversés."

Entre plusieurs personnages, pourquoi Marat? Maroun: "Le produit du Siècle des Lumières et les ambitions personnelles d'un homme. Et ce qui m'a beaucoup intéressé, c'est qu'à travers son origine sarde et son enfance suisse, c'était vraiment quelqu'un à cheval sur plusieurs cultures, plusieurs langues. Un homme qui cherchait son identité, qui se cherchait."

"Ah! quelle est jolie notre Révolution, vue par un Libanais! Maroun Bagdadi nous révèle ici la vraie nature de Jean-Paul Marat, polémiste de la Terreur et amateur de bains calmants."

Hors La Vie - 1991

"Des cris. Du sang. La mort. Des ruines. Un vertige. Une nausée. Le feu. Encore des morts. C'est le générique de Hors la Vie, une manière de gifle qui met le regard en place. Plus jamais au cours du film de Maroun Bagdadi on ne se demandera ce qui a vraiment été tourne à Beyrouth ou reconstitué. On est à Beyrouth, dans l'enfer de la guerre civile."

"Et puis la guerre, Beyrouth et les otages, c'est loin et on en a déjà tellement entendu parler… D'accord, mais jamais comme ça. Jamais avec ce respect, cet équilibre, cette honnêteté intellectuelle et cette rigueur esthétique qui rendent "Hors La Vie" bouleversant".

"C'est terrifiant, efficace, mais encore simple: inspiré du récit de Roger Auque qui fut enlevé au Liban, le kidnapping d'un jeune homme sympathique (Hippolyte Girardot) par une bande de terroristes. Maroun Bagdadi ne se satisfait pas de cette simplicité. Son film, chronique de la captivité du photographe, sera la minutieuse mise à sac de toute forme de repère."

Maroun: "Je ne suis pas optimiste. Je sais qu'on me le reproche. Mes films n'arrangent ni les uns, ni les autres. Mais comment pourrais-je donner une belle image du Liban? "Hors La Vie" est une sorte de fenêtre ouverte. Au- delà de la réclusion d'un homme, on y découvre les bribes d'un pays."

"Hors la Vie" est un film qui apprend à voir ce qu'on ne veut plus regarder. En cinéaste, Bagdadi revendique le droit d'ingérence. Il nous parle d'hommes et d'une guerre là-bas."

"Bonne surprise de la sélection française: "Hors La Vie", un film de Maroun Bagdadi, vient de se voir décerner à Cannes le Prix du Jury."

"Le film du Libanais Maroun Bagdadi "Hors La Vie" sort réellement du lot des projections cannoises."

"Que gardez-vous de l'aventure cannoise?"
Maroun Bagdadi: "Cannes est un tremplin magnifique. Le prix du Jury est un cadeau supplémentaire qui, j'espère, servira le film".

Hippolyte: "Quand on est pieds nus dans une cour crade, on se coupe sur des morceaux de verre, des saloperies qui traînent. Quand on est en pyjama dans une pièce en béton et qu'on vous pousse contre les murs, ca fait mal. Un jour, on m'a enveloppé comme une momie dans un sac. On m'a bloqué la bouche. J'ai manqué d'air. J'ai gueulé qu'on me sauve. La camera tournait. Tout le monde pensait c'est vachement bien ce qu'il fait. J'étais en train de crever."

"Le film de Bagdadi, qui semble à Cannes tomber d'une autre planète, nous renseigne bien plus que tous les commentaires distanciés de tous les journaux télévisés. C'est son immense force. Et l'honneur de Cannes de l'avoir retenu."

"L'absurdité n'a pas de mesure, la télévision a banalisé le drame. Le Liban n'est plus qu'un fait divers. Il filme fort, brutal, vite, froidement sans pathos. Le spectateur est anéanti. Pas même révolté, juste honteux."

"Son pari était d'introduire une camera dans le monde fermé absurde d'une prison et de filmer le chaos. Le spectateur n'en sort pas indemne. Pendant quatre-vingt-dix minutes, il a peut être touché du doigt ce qu'est vraiment l'absence de liberté."

"La voix de Maroun Bagdadi semble venue de nulle part quand elle résonne dans la nuit. "Fadi, sens la lumière sur toi quand tu te déplaces…" murmure-t-il en libanais. Le réalisateur fait parler et bouger ses personnages avec délicatesse et explique avec une patience inlassable ce qu'il souhaite."

La Fille de l'Air - 1993

"Un matin de printemps 1986, une jeune mère de famille aux commandes d'un hélicoptère vient cueillir son gangster de mari, détenu pour braquage de supermarché. Sur le toit de la prison de la Santé au cœur de Paris."
Maroun: "On dit que les gens vivent comme ils conduisent. Moi, je filme comme je vis et comme je suis. Si ma mise en scène est très physique, c'est parce qu'elle exprime la tension qui est en moi. Je la veux comme une respiration. Cela me permet d'aborder tous les thèmes. Il suffit de s'adapter. Ici, j'avais besoin de filmer les visages, de m'approcher de la peau.

Les hommes sont de grands rêveurs mais ils manquent de souffle. Les femmes, elles, arrivent à gérer leur folie et à la réaliser grâce à leur obstination."

Maroun: "Le journal Libération a trouvé la formule exacte de La Fille de l'Air: "Comment une personne hors de soi sauve un détenu hors la vie". C'est exactement cela que j'ai voulu montrer. Je pense que seules les femmes ont cette force d'aller jusqu'au bout. J'ai appris ça de la guerre au Liban: là-bas, les hommes se sont soit infantilisés en allant au combat, soit ils sont tombés dans la déprime. La société renaît grâce aux femmes."

"Un langage, un stylo qu'il faut pratiquer. Je me sens proche des gens comme Scorsese. Je ne crois pas qu'on puisse faire des films uniquement avec la technique. Mais savoir l'utiliser comme un instrument est un plaisir."

"Mon engagement se situe simplement dans la recherche de la vérité. Le cinéma, pour moi, permet de soulever les doutes."

"Le brio et la mise en scène sont aisément décelables, qui font du film l'un des spectacles les plus intelligemment toniques du moment. L'ascension de Maroun Bagdadi, dont l'ambition est égale à son talent, n'est pas terminée.

"L'ardeur de la mise en scène, l'intensité du montage qui ne sacrifient jamais le facteur humain rappellent, en effet, les meilleurs Corneau. La preuve en est qu'à partir d'une histoire dont on connaît parfaitement l'issue, Bagdadi parvient à maintenir le suspense sans jamais flancher."

"La Fille de l'Air" réussit le pari de tenir les spectateurs en haleine pendant prés de deux heures, avec un sujet et un épilogue, pourtant connus de tous."

"De ce fait divers qui émut la France en 1986, lorsque Nadine Vaujour fit évader son mari en hélico, Maroun Bagdadi a fait un film nerveux, percutant, mené comme un thriller. On est ému jusqu'aux larmes par cette femme."

"La fille de l'Air" est une œuvre remarquable, tant par sa construction rigoureuse et efficace, que par son casting excellent. Beatrice Dalle est étonnante."

"Mais la plus formidable, c'est Beatrice Dalle qui, depuis "37 le matin", n'a jamais été aussi bien dirigée."