Les Us et les Coutumes au Liban, c’est tout un monde
Ce qui frappe dès l’abord, c’est la diversité, tant sur le plan humain que géographique par Fulvio Roiter, 1980, Conseil National de Tourisme au Liban
Les Us et les Coutumes au Liban, c’est tout un monde. Ce qui frappe dès l’abord, c’est la diversité, tant sur le plan humain que géographique: diversité des communautés à l’intérieur desquelles les religions comportent de multiples subdivisions, diversité des paysages et des climats avec, au cœur des saisons, toutes les modulations des changements d’altitude, diversité des mœurs et des coutumes tout aussi bien, la montagne préservant davantage sa spécificité, diversité des influences du dehors, d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, qui se manifestent d’une façon plus ou moins marquée dans les villes et villages du littoral et de la plaine de la Béqaa.
Telle est la caractéristique principale de ce pays complexe où se parlent couramment en dehors de l’arabe, langue commune à tous le Libanais, le français et l’anglais. Dans l’échange des idées et sur le plan culturel, le Liban a toujours joué et joue un rôle éminent tant dans le monde arabe que dans les lettres étrangères, comme en témoignent, entre cent autres, Gébrane Khalil Gébrane, un des écrivains les plus lus en anglais, et le poète et dramaturge d’expression française, Georges Schéhadé.
Ce bref aperçu ne rend cependant pas bien compte de la constante fermentation d’idées chez des élites qui ont pris une part essentielle dans la fameuse renaissance, à la fin du siècle dernier, des lettres arabes et qui au surplus ont complètement rénové, voilà 30 ans, la poésie arabe enfermée jusque-là dans une rigueur de forme parnassienne. Cela ne fut d’ailleurs pas le fait des seuls écrivains et poètes libanais, mais de tout un mouvement où se sont retrouvés des hommes de lettres venus de pays voisins, ce qui montre que cette terre est hospitalière aux idées comme aux hommes, et qu’elle est surtout terre de liberté.
Il y a cependant d’autres formes d’expression qui traduisent un art de vivre. Chacune des communautés libanaises a ses traditions, ses coutumes, ses usages auxquels elle reste étroitement attachée. Souvent envahis au cours des siècles, les Libanais ont certes subi l’influence des occupants successifs, ce qui a enrichi parfois leurs techniques (verre, poterie, cuivre ), mais pour ce qui est de leurs propres traditions, ils en ont sauvegardé l’essentiel.
Il en est ainsi, dans les différents groupes du pays, des traditions religieuses. Presque chaque village a son patron et certains sont communs à toutes les communautés. Il arrive en effet qu’un saint chrétien soit révéré par les musulmans et une grande figure islamique par les chrétiens. Ce sont généralement des patrons protecteurs dont la fête – le hasard faisant bien les choses – se trouve tomber dans la plus belle période de l’année. Il y a un saint pour la vue, un autre pour la fécondité, un troisième pour les animaux, un autre encore pour la pêche et ainsi de suite…
Les fêtes musulmanes donnent lieu à de vivantes manifestations, le tout dans un pittoresque chatoiement de lumières et de couleurs. Le Ramadan est le mois du jeûne, un jeûne total du lever du jour au coucher du soleil; à cet instant le muezzin annonce l’iftar, moment très attendu d’un repas restaurateur. Pendant le Ramadan, la vie se ralentit le jour alors que les nuits sont des plus animées, que le rues s’illuminent et que boutiques et marchands ambulants travaillent fort tard. Les fidèles sont réveillés avant l’aube, après un court somme, par le chant d’un tambourineur pour le souhour, dernière collation avant la reprise du jeûne. La fête du Fitr qui marque la fin du Ramadan donne lieu à de grandes réjouissances où grands et petits ont leur part de divertissements. Les enfants y reçoivent traditionnellement des cadeaux.
La fête de la Naissance du Prophète (Maouled) est l’occasion d’une célébration spéciale: les fidèles se réunissent pour glorifier la vie du Prophète et réciter des versets du Coran, de même qu’au Nouvel An de l’hégire.
Les deux communautés musulmanes sunnite et chiite ont les mêmes fêtes, parfois à un jour d’écart, mais il est un anniversaire exclusivement chiite, l’Achoura, qui commémore le martyr de l’Imam Hussein fils de Ali. C’est une journée de deuil et dans certaines régions des fidèles se livrent à la mortification en public. Une autre très grande fête musulmane c’est l’Adha qui célèbre le sacrifice d’Abraham et à l’occasion de laquelle on offre le mouton aux pauvres. Cette fête revêt pour les Druzes une importance toute particulière, étant la seule qu’ils célèbrent dans l’année.
Quant aux fêtes chrétiennes, elles sont plus nombreuses au Liban que partout ailleurs et, en tout cas, certaines d’entre elles, qui dans d’autres pays ont une importance secondaire, sont célébrées ici avec ferveur. On n’insistera pas sur Noël ni le Nouvel An qui sont fêtées à l’européenne, quoiqu’il subsiste des usages a réminiscences anciennes. Les principales fêtes sont l’occasion de cérémonies, de processions hautes en couleur. A la Fête-Dieu défile dans les villes, au milieu d’une foule considérable, la procession du Saint-Sacrement. A la fête de la Croix, des feux de joie sont allumés un peu partout. Le spectacle de ces feux, le soir en montagne, est impressionnant et d’une grande beauté. Tout cela s’accompagne naturellement de tirs et de pétards comme il est d’usage ici en tant d’occasions. Il est des cérémonies qui participent du théâtre et de la pantomime. Chez les Orthodoxes, par exemple, on représente à Pâques la mort et la résurrection du Christ et on secoue les lustres à l’église pour symboliser le tremblement de terre. Aux Rameaux, c’est une véritable représentation en pleine rue. Portant des bougies allumées, des enfants accueillent le Christ entrant à Jérusalem. Il y a aussi la Sainte Barbe à l’occasion de laquelle les jeunes portent des masques, évoquant ainsi les premiers temps du christianisme clandestin.
Fêtes, mariages ou deuils sont pour les différentes communautés libanaises une occasion supplémentaire de rapprochement : on se rend visite, on échange des vœux, on exprime sa sympathie.
La danse nationale libanaise s’appelle la dabké. C’est une danse folklorique commune à tous les Libanais à quelques variantes près. Rien n’est plus descriptif de l’âme d’un peuple que ses danses et ses chants populaires. La dabké est élan et énergie vitale. Elle est euphorie et traduit l’amour de la liberté et manifeste l’esprit d’indépendance. Si l’on va dans un quelconque village, dans la region de Baalbek, au Aakkar, à Jezzine, dans un tel endroit du Metn ou dans n’importe quel coin de la montagne, on sera émerveillé par toutes les variantes de dabké que les paysans seront fiers et heureux de danser devant vous, des heures durant, accompagnés par une simple flûte de roseau (nai).
Le chant occupe également une grande place dans les festivités, les réunions. Au Liban, il est des poètes qui s’expriment en chansons, une forme très particulière sinon unique de chansons, puisque les paroles en sont toujours improvisées. Cela s’appelle le zajal et se passe habituellement autour d’une table garnie de verres d’arak, boisson qui stimule leur inspiration et leur fougue, et de mezzés, variété de mets servis dans des raviers. Ces joutes durent deux ou trois heures, au grand ravissement des présents, qui encouragent de leurs exclamations admiratives les zajalistes lesquels se donnent la réplique à tour de rôle, en vers à vrai dire plus modulés que chantés. Il s’agit là d’une forme de poésie qui, pour être populaire, n’en est pas moins d’une excellente tenue.
Si tu as deux sous, garde un sou de pain pour ton corps et un sou de jasmin pour ton âme, dit un adage populaire. Car il n’est pas nécessaire que les poètes soient faméliques. Cela nous amène a cet autre signe de civilisation: l’art culinaire. Il se trouve que si toute la gastronomie internationale est représentée au Liban – ce qui est strictement vrai – elle n’a pas le moins du monde détrôné la cuisine libanaise. Loin de là. Celle-ci s’inspire des produits du terroir. Elle est à base de viande de mouton, animal qui vit facilement en toutes saisons en montagne. Aussi, le suralimente-t-on du printemps à l’automne, pour en octobre faire cuire sa viande dans la graisse, puis on le sale pour le conserver dans des jarres et le consommer en hiver.
Parmi les mets libanais, la kebbé, plat national, est de la viande de mouton ou de chèvre battue avec du blé concassé. Le taboulé est une délicieuse salade libanaise à base de persil et de tomates mêlés, là aussi, de blé concassé. Autres délices: les volailles grillées au charbon de bois ; le mtabbal, purée d’aubergine ; le homos, fine purée de pois chiches à l’huile de sésame; la sayadieh, poisson accompagné de riz, cuit dans une sauce aux oignons et parsemé de pignons de pin ; le lahm bi agine, sortes de pizzas garnies de viande.
Les douceurs sirupeuses de la pâtisserie libanaise sont, elles, en majorité à base de lait et de miel, agrémentées d’amandes, de pistaches et de noix et parfumées des divers fruits du pays. Certaines pâtisseries sont tributaires de spécialités régionales, comme bien des plats libanais qui ont adapté des recettes des pays avoisinants.
Il y a deux sortes de pain: celui qui est fait à la montagne, le marqouq, et le pain de ville. Le marqouq est confectionné de façon spéciale, généralement par les femmes. Elles affinent la pâte en la passant avec beaucoup de dextérité d’une main à l’autre, puis elles la posent sur un coussin avant de la chauffer au feu de bois sur un plateau incurvé. Le pain de ville, lui, est cuit au four où il gonfle. Il est presque aussi savoureux que son rival des hauteurs.
On danse, on chante, dans ce pays mais on travaille aussi. Et depuis fort longtemps, puisque les traditions artisanales remontent très loin dans l’histoire. A près de 5.000 ans à en croire les spécialistes en la matière. Cet artisanat correspond d’ailleurs à des besoins; il est plus utilitaire que décoratif notamment la poterie dont il existe de nombreux centres; gargoulettes pour l’eau fraîche en été, jarres pour conserver l’huile d’olive, marmites, assiettes, supports d’éclairage à mèche flottant sur de l’huile, etc...
Avec les Mamelouks qui les ont initiés au travail du cuivre, les artisans libanais ont fait des plateaux, des ustensiles de cuisine, des cendriers et bien d’autres objets. Mais ils ont souvent crée des techniques bien à eux. Ainsi, le verre soufflé transparent, c’est ici que sa technique a été inventée il y a très, très longtemps par les Phéniciens. Et l’on n’a encore rien dit des tissus pourpres des mêmes Phéniciens, de la fine céramique et des splendides bijoux orientaux des Arabes, des étoffes aux broderies fines et des habits aux fils d’or et d’argent, travail d’insecte dont on est redevable à la patience (une forme de génie) de la montagnarde libanaise, de la coutellerie de Jezzine née au siècle dernier – et dont les créations uniques en leur genre sont d’une grande originalité – du travail du cuir introduit voilà quelques décennies, de l’orfèvrerie où s’est toujours manifesté un merveilleux sens créatif, du tissage des tapis. Il est naturel qu’avec un si long passé, l’artisanat au Liban soit aujourd’hui si varié, si actif et si prisé. Car c’est un travail fait, comme autrefois, avec amour.
La maison libanaise est elle aussi représentative de traditions, d’une conception architecturale qui cherche à l’intégrer dans le paysage et elle tient compte des modes de vie libanais. Elle est ouverte, accueillante, avec son jardin, son patio garni d’une fontaine et sa large terrasse.
Symbolisant le sens de l’hospitalité du Libanais, elle comporte d’ailleurs toujours une chambre d’amis pour l’hôte de passage. Construite en pierre de taille, elle est orientée vers les vents dominants et disposée de telle sorte qu’elle puisse bénéficier au maximum de l’ensoleillement. Les trois arcades que l’on retrouve dans la plupart des demeures sont typiquement libanaises. Les fenêtres géminées à arc à plein cintre, séparées par une colonnette, sont appelées mandaloun. Elles comportent des vitraux colorés et transparents qui soulignent leur gracieuse beauté. Des Photos du Liban