Articles

Art in the press

Arts plastiques: Message et signification. Le rôle des artistes libanais. Par Nicole Malhamé Harfouche

En ce début du IIIème millénaire au Liban, comme partout ailleurs, les arts plastiques, dans leurs traits les plus marquants, accomplissent leur révolution. Le progrès de la technologie aboutit à une nouvelle connaissance de ces forces créatrices qui engendrent des changements fondamentaux dans les divers domaines de la créativité. A partir de là, rien en art n’est plus comme avant, que ce soit parmi les artistes ou dans le public. Beaucoup de murs, en ce qui concerne le rejet ou le refus des langages innovateurs se sont déjà écroulés. Il est, donc, évident que nos plasticiens ont un rôle, prédominant, à jouer dans l’évolution de notre culture nationale, suite à l’émergence d’un nouvel environnement, né de nouvelles conditions de vie, où la civilisation de l’image: sous toutes ses formes fixe, mobile, animée, joue, elle, un rôle primordial dans la formation des esprits.

En effet, on a pu constater ces dernières années, qu’ils ont exprimé à travers leurs productions, une vision de notre monde en train de se faire. Ils sont les yeux de leur époque et sont là, pour enregistrer et créer, laissant ainsi la marque indélébile de leur temps.
A noter que l’œuvre d’art: peinture, sculpture, photographie, art numérique, art vidéo, animation, installation…, figurative, abstraite, expressionniste, symboliste, surréaliste…, est, d’abord, à l’image de son créateur et peut ne pas avoir le même impact sur tous ceux qui forment le public des regardeurs, car la signification de l’œuvre et son interprétation sont basées sur les deux pôles du créateur et du contemplateur. Son sens peut, donc, être modifié selon qu’il y a parallélisme, contiguïté, affinité profonde ou refus entre les deux visions.

Cependant, les choses ne sont ni si simples, ni si évidentes. En effet, l’artiste restitue, à travers l’image fixe ou mobile, à travers le volume, l’installation ou la mise en scène…une vision des éléments, qui est la sienne. Cette vision doit porter en elle, signe, signification, message, tout autant que son langage propre et sa vie.

Le spectateur cerne-t-il l’intention de l’artiste? Y trouve-t-il un message? Pourquoi pas, surtout quand il s’agit d’un amateur averti? En effet, l’intention de l’auteur n’a pas à épuiser le contenu de ce message, car il doit y avoir, essentiellement, une relation esthétique entre l’œuvre et le regardeur. Aussi, n’y a-t-il pas de raison pour que le regard de l’un ne puisse pas pénétrer, d’une certaine façon, l’espace intérieur de l’autre et l’interpréter à sa manière.
Bien sûr, la vieille opposition: “abstrait figuratif”, dans la mesure où la plupart des démarches apparaissent, aujourd’hui, comme formellement figuratives, n’est plus de mise. D’ailleurs, la multiplicité des démarches, des artistes libanais contemporains, a intégré dans la “figuration”, une très large part d’imaginaire, pour rendre compte d’un degré de réalité, plus ou moins évident ou ambigu.

Ceci nécessite une parfaite maîtrise du métier et des techniques. Mais la maîtrise des techniques et des technologies ne suffit pas pour devenir un grand créateur. L’artiste authentique doit croire à son talent, à la défense de sa liberté d’expression et à l’affirmation de sa place dans notre société.

L’art est la porte du rêve

Car, si l’art, comme on le dit souvent, est la porte du rêve, l’œuvre est une finalité, sans cesse, à recommencer. Il ne s’agit pas, en fait, pour le plasticien, de s’évader du réel, mais d’aboutir à une équivalence où n’entre plus en jeu que l’essentiel, devenant l’âme du tableau qui lie, immédiatement, l’observateur à une situation poétique.
En conséquence, la vocation de l’artiste est réflexion et méditation et le sujet, qui est “passif” est, ainsi, transposé en “témoin vivant”, permettant de découvrir et de révéler une vie intérieure. Une œuvre d’art oblige à cette réflexion et nous transpose, par delà le matérialisme quotidien, dans une dimension spirituelle où, à la vibration, à l’intuition, à l’essence, qui en sont la clé de voûte, s’ajoute l’appréhension de ce qui vient du dedans. Alors les thèmes, sujets, êtres ou éléments de la nature, le plasticien les interprète et les retranscrit à travers son “moi” pour les recréer, au moyen de son imaginaire, après les avoir fait passer par la phase aiguë de la réflexion.

C’est, précisément, ce qu’on appelle le “phénomène de la création artistique”, le plasticien se situant au point de liaison de la “pensée” et de “l’action”, et qui dit action, dit évolution, et qui dit évolution dit, aussi, mémoire du passé. Une mémoire indispensable à l’art présent où nous retrouvons espace, temps et causalité.

Pour un artiste de talent, il faut, à la fois, la technique, la pensée, le rationnel, l’imaginaire et le cœur, sans cela il n’y a aucune possibilité d’émouvoir le spectateur et de susciter chez lui un sentiment d’évasion.

Par conséquent, “l’objectivité” ne peut, en aucun cas, être “l’objectif” de l’artiste moderne et c’est pourquoi, les nouveaux langages se prêtent, avec pertinence, à retenir, essentiellement, l’esprit des éléments plutôt que leur apparence.
Pour conclure, je propose la pensée de Paul Valéry: “La culture est ce qui reste quand on a tout oublié”.

Aussi, ce que l’artiste conçoit et réalise comme œuvre plastique, c’est, d’abord, ce qu’il a vu, analysé, enregistré…, mais, surtout, ce qu’il a réinterprété librement pour créer sa propre vision, en innovant dans le domaine des matériaux et des médias, en mettant en cause la stabilité de la “perception objective”.

Nicole Malhamé Harfouche - Revue du Liban numero 4073 du 30 Septembre au 7 Octobre 2006