Joseph MATAR, Light Personified by Poetess Andrée Thoumy - Joseph Matar «un moi de lumière»
Dans un dialogue avec Joseph Matar, peintre de grand renom, Andrée Thoumy, poète, a recueilli l'essence de son discours sur l'Art et sur son expérience artistique, et nous la présente, mêlée à sa vision personnelle de l'oeuvre du peintre.
De ses mains expertes, Joseph Matar pétrit son œuvre avec de la lumière. Puisée aux sources d’une aventure spirituelle intense et d’une expérience artistique singulière, ses incidences roses, vertes, bleues ou or, modèlent les amandiers, les oliviers, inondent les étendues marines, envahissent les moissons généreuses et font les gerbes scintillantes qu'enserrent les mains des glaneuses.
Eté et Automne, Peinture à huile, 98 x 147 cm, Automne 2006
Nous arrachant à la banale réalité, le peintre nous projette dans un univers transfiguré par ce dialogue coloré, dans un monde surgissant de son intérieur, ce cosmos que chaque homme porte en lui. Langage universel saisi par nos yeux, compris par nos âmes, l’œuvre de l’artiste, matérielle et spirituelle, symbolise le lien unificateur de l’humanité. Son Verbe à lui, c’est cette pâte inerte à laquelle il donne vie et expression. Sous l'action de la couleur et de la lumière, elle prend valeur de symbole pour une communication entre les humains. C'est à travers elle qu'il s'adresse à chacun. Lien entre les humains, son langage s'écoule comme un fleuve, comme la lumière du ciel, comme un courant d'amour, ce cordon vital qui élève l'homme vers Dieu, et fait Dieu se pencher sur l'humanité.
A l'homme de la fin du XXème siècle, prisonnier de son oeuvre de ciment et d'acier, condition à la fois tragique et passionnante, l'artiste apporte à travers son oeuvre, le ferment libérateur pour restituer cette humanité égarée dans sa dimension proprement humaine, qui est celle de l'énigme de son âme.
Communiant avec l'humanité non seulement en aval mais aussi en amont, l'artiste rencontre ses maîtres spirituels, de Raphaël à R Bâcon à R. Steiner. C'est en écoutant le Cantique du Soleil de Saint François, en vivant le mystère du Golgotha, la Divine comédie de Dante et toute l'épreuve que subit l'âme en vivant ce drame à la fois humain et divin que, pour lui, les réalités de ce monde explosent de leurs riches valeurs.
Son oeuvre reflète des origines spirituelles et en fait aussi un médiateur entre l'humain et le divin. A travers son monde de lumière, Joseph Matar ambitionne le sacré, le divin, il cherche à rejoindre l’Esprit initial. Sa vision du monde est religieuse, sa communion avec l'univers est totale, univers matériel et spirituel, du corps et de l'âme, du temps et de l'espace, ce temps intérieur qui humanise les formes.
Occupant une position privilégiée parmi ses contemporains, élevé dans la hiérarchie spécifiquement humaine, sorte de messie visionnaire, l’artiste oscille inlassablement entre Dieu et les hommes. Serait-il plus près de Dieu ou plus proche des humains ? Par sa lucidité, sa perspicacité, sa sensibilité, il est certes, de tous les hommes, le plus proche des humains. Porteur de lumière, il est sans doute le plus proche de Dieu.
Ses toiles sont une incarnation de sa pensée, de son esprit, de son temps intérieur qui sublime les formes et les immortalise en pâte riche, structurée, rayonnante. S'il met sa pensée à la portée des humains, c'est pour les amener vers un au-delà de la pensée.
Personnages et formes surgissent de la couleur et peuplent son univers mystérieux, expression de l’âme de l’artiste. Son univers est celui de la Beauté, de la Vérité, de la Liberté et de l’Amour. Joseph Matar a bien compris Goethe qui disait que la Beauté unit le ciel des Dieux, à la terre des hommes, et dans son Voyage au pays des Merveilles, il lie son identité à celle de l'Univers. Son oeuvre loin de flatter le regard, éveille les sentiments et s'adresse à la pensée.
Le peintre se veut aussi un phare qui guide, un phare qui illumine et dissipe l'ombre qui l'entoure. Messager de la lumière, l'artiste se dirige vers la lumière de la Vérité pour exprimer sa pensée universelle, cosmique et humaine.
En lui l’éternel commencement joint l’éternelle fin, renaissant chaque jour, évoluant et progressant, ne s’arrêtant jamais, à l’image de la vie en mouvement, du temps en marche, des saisons qui inlassablement reviennent, de la nature qui renaît et se renouvelle sans fin. Génie créateur, l’artiste ne se répète jamais.
Ses couleurs chaudes, tendres ou puissantes trahissent son ardeur de vivre et d'aimer. La diversité de ses thèmes traduit son ardeur de connaître. Mais, au-delà de l’expression de lui-même, l’artiste est aussi par ses toiles, un maître, celui qui enseigne : La féerie de la couleur, matérialisée, transparente, suprasensible, éveille et oriente notre imagination, du chaos originel jusqu'à la connaissance de l'espace qui est le support de l'oeuvre. "Créateur", il a toutes les capacités d'éveiller la forme dans la matière.
S'il connaît l'exaltation de la pensée fécondante, il vit aussi l'angoisse qui accompagne toute création. Tempêtes matérielles et spirituelles où soufflent un vent de cataclysme, un incendie apocalyptique annonçant l'enfantement d'une oeuvre neuve, unique inédite originale, marquée du sceau de l'Art.
Une technique solide, un long apprentissage, un bagage sérieux dont il dit que c'est un bagage d'or, de sagesse, un talent consacré, font de ses toiles le réceptacle où il déverse son âme, créant des réalités nouvelles. A ses couleurs pures, il ajoute cet élément d'âme et d'esprit qui lie son oeuvre à l'environnement universel, telle une aiguille aimantée qui ne s'immobilise que dans une seule direction, celle du Nord divin et spirituel. Ses formes aux contours quelquefois indécis font que notre regard glisse d'un clair-obscur à un autre, d'une masse à une autre, d'un volume a celui qui l'avoisine. Jeux mystérieux pour ce maître des passages!
Joseph Matar estime que l'artiste est porteur de lumière. Il est plus justement un "pilleur" de lumière: l'infini étincelant, les rayons lumineux émanant de l'oeil de Dieu, la claire lumière de sa conscience, la lumière de la Vérité, la lumière enveloppante qui nous unit à toute la création, toutes les lumières intérieures et extérieures convergent en lui pour constituer un "moi de lumière". Alors, il vogue sur les rayons, cette eau céleste et planétaire, il se saoule de lumière, transcende la matière pour rejoindre ce monde où l’esprit brille, où les nappes de lumière inondent la création de vie et de fécondité.
Tout au long de ce dialogue avec le peintre, une image surgit et se confirme: Tout artiste est un médiateur d'amour. Les forces cosmiques de l'amour éclatent dans tous les arts, de la peinture à la poésie, à la musique. L'artiste transcende les humains pour exprimer une pensée universelle, cosmique et humaine. Telle est l'idée centrale, l'idée d'ensemble qui relie tous les fragments dispersés et sauvegarde la vie de l'oeuvre. Ce que le peintre nous dit aussi par son Art: il y a dans l'homme plus que de l'humain; nous portons en nous ce germe divin qui fait l'homme, un fil invisible nous relie a la Divinité. Plaise au Ciel que ce fil ne se casse pas!
Andrée THOUMY