L’art contemporain au Liban, Edouard Lahoud, Dar El Machreq Editeurs, Beyrouth
Introduction
L’éveil
On peut situer l’éveil de l’art au Liban au début du 17ème siècle, sous le gouvrement de Fakhr ed-Dîn. Ce prince qui était résolu à faire entrer le Liban dans la voie de la civilisation moderne, en gouvernant selon des méthodes inspirées de l’Occident, portait un très vif intérêt à tout ce qui touche à l’art.
Lorsqu’en 1613 il doit partir pour la toscane, il a tout le loisir de contempler là-bas les merveilleux chefs-d’œuvre qui partout s’offrent à ses regards. Rentré au Liban, il fait venir de Toscane architectes et artistes qui lui construisent à Beyrouth(1) un palais de style vénitien. D’après les descriptions qui nous en sont restées, on voyait devant l’entrée une succession de cours entourées de fontaines de marbre blanc qui n’auraient certes pas déparé les plus fameux palais d’Europe. On pouvait y admirer aussi de superbes jardins décorés de statues de marbre et, serpentant à l’ombre des citronniers, des canaux artistement creusés dans la pierre. Cette impulsion donnée à l’art par Fakhr ed-Dîn marque le début du renouveau artistique sur la côte libanaise.
Par contre, à la montagne, c’est l’école et l’imprimerie qui ont permis cet éveil. Sous l’occupation ottomane, les couvents étaient devenus les centres de la vie économique, sociopolitique et intellectuelle. De leur côté, les étudiants libanais de Rome s’étaient assignés au Liban une tâche à la fois religieuse et éducationnelle. Nombre d’écoles sont alors fondées, notamment â Ehden, Achqout, Baskinta et Beit Chabab.
Avec l’école, l’imprimerie fait son entrée au Liban(2). De même, le style gothique d’Occident, qui se caractérise par la finesse du dessin et la fraîcheur du coloris, donne naissance à une école de peinture qui remplit de ses œuvres couvents et églises de la montagne. Ceci se passe au 18e siècle, époque où s’ouvrent les premiers instituts d’enseignement supérieur.
Au début du 19e siècle, les contacts du Liban avec l’Occident vont s’élargissant ; les grandes compositions à l’huile affluent de Rome, d’Autriche, ce qui crée des foyers de renouveau artistique. A cette époque aussi, quantité de statues sont importées d’Occident et assez vite on se met à les copier et à les imiter.
Un des premiers artistes qui mérite une mention particulière est Canaan Dib de Dlepta, émule du peintre italien Giusti connu comme le peintre officiel des émirs Chéhab.
Avec les Chéhab précisément, nous assistons à la renaissance d’une branche de l’art. Fakhr Ed-Dîn avait importé la statuaire occidentale pour orner son palais de Beyrouth. L’émir Béchir, lui, introduit l’arabesque dans son palais de Beit Ed-Dîn. L’émir avait fait venir les ouvriers les plus habiles à polir le marbre, les meilleurs mosaïstes pour donner au palais qu’il construisait ce cachet décoratif qui en fait le charme. Sur les murs revêtus de marbre, il fait graver des inscriptions où l’écrivain du palais Butros Karamé avait inclus d’anciennes maximes et sentences arabes. Ce somptueux palais oriental devient un modèle artistique pour les palais que les émirs commencent à construire en de nombreux points de la montagne et du littoral.
A cette même époque s’ouvre en 1831 le collège de Mar Abda Harhariya (Jdaïdet-Ghazir). C’est dans ce collège que Canaan Dib est en contact avec des moines qui avaient visité l’Italie et subi l’influence des œuvres de Raphaël, de Michel-Ange et d’autres grands maîtres de la Renaissance. Au début, Canaan transcrivait sur ses toiles ce que lui inspirait sa foi profonde, puis il se consacre exclusivement à peindre des portraits.
Ici, il nous faut parler de Daoud Corm qui fut à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci un des grands pionniers de la Renaissance artistique au Liban, car son nom reste pour toujours attaché à celui de l’émir Béchir et au collège de Jdaïdet-Ghazir. Son père s’appelait Semaan Hokayyem et était originaire de Ghosta. Il était à cette époque une des rares personnes à maîtriser les langues étrangères comme le latin et l’italien. Or l’émir cherchait quelqu’un connaissant les langues étrangères pour en faire le précepteur de ses enfants. Ils pourraient ainsi accorder audience aux ambassadeurs sans avoir besoin des services d’un drogman. Il fait donc venir Semaan dans ce but. Comme Semaan était têtu, l’émir Béchir lui donna le sobriquet de «Corm» qui lui resta et devint son nom de famille. Semaan reste 18 ans précepteur des fils de l’émir et chargé de la comptabilité privée de ses femmes. Il épouse Maryam, fille de Hani, de Ghazir, qui était la confidente de Sitt Hasan Jihan, la deuxième épouse de l’émir. Il en eut trois fils dont le plus célèbre est Daoud Corm.
Le littoral et surtout Beyrouth était devenu une tête de pont, un nœud de communications internationales, un centre culturel, touristique et commercial. C’est là que l’art commence à s’ouvrir aux grands courants extérieurs. On assiste en même temps à la naissance du théâtre, de la grande imprimerie, de la bibliothèque publique, du journal et de l’université.
Cette période d’ouverture est caractérisée par le grand nombre d’artistes occidentaux «orientalistes» qui affluent sur le littoral et s’appliquent à en peindre amoureusement les moindres recoins. Ils sont séduits par la pureté de son atmosphère, ses beautés naturelles, ses vestiges du passé, le style oriental de ses constructions et le costume des autochtones. Le premier de ces peintres étrangers est l’Anglais Bartlett, venu en 1834 au Liban installer son chevalet de peintre sur le rivage de Beyrouth, dans ses faubourgs, pour peindre la mer, les minarets, les tours, les maisons blanches, les sycomores, les figuiers de Barbarie, les hommes en costume arabe et les femmes coiffées du tan tour.
Puis vient Vignal qui se spécialise dans l’aquarelle. On a de lui un paysage de Kfarchima, une scène de café «indigène» à Dbayyé, une vue de Minet el-Hosn où l’on voit une partie du rivage de Beyrouth Ainsi que la montagne.
Ces artistes étrangers «orientalistes» donnent le point de départ à une école de peinture «marine», née à Beyrouth au milieu du 19e siècle et qui se consacre avant tout à la peinture des bateaux et de la mer. L’influence européenne n’est pas la seule à agir sur cette école, car l’école turque dont le style prévalait dans toutes les provinces de l’Empire a aussi joué un rôle certain dans l’art de cette école à Beyrouth et à Tripoli. Parmi ces influences directes, signalons son souci de fixer sur la toile les événements historiques, surtout les batailles, en cherchant à y introduire le plus grand nombre possible de personnages pour mettre en relief la portée historique de ces événements.
Un des pionniers de cette école marine était un garçon chétif, très soigné de sa personne, qui restait des heures entières à contempler, insatiable, la mer et les vagues. Il s’agit d’Ibrahim Sarabiyyé de Beyrouth. Il est l’auteur de portraits et de paysages mais il a excellé surtout à peindre la mer et les bateaux. Une de ses œuvres maîtresses est un grand tableau représentant la réception de l’empereur allemand Guillaume II au port de Beyrouth. On y voit le port décoré de drapeaux, noir de monde, plein des unités de la flotte d’escorte. Sur les quais, parmi la foule, quelques voitures à cheval transportent des curieux en costume local traditionnel. Sarabiyyé maniait le pinceau avec une délicatesse et une finesse extrêmes. Il avait un sens aigu de l’observation; avec cela, une habileté étonnante à mettre en relief les couleurs, les lumières et la transparence de l’air. Il excellait à peindre l’agitation et les reflets de l’eau. Il fait penser aux tableaux du célèbre artiste vénitien Canaletto.
A la même époque, dans une de ces ruelles étroites et sombres de Beyrouth, un autre garçon nommé Jamal commençait à manifester ses goûts et sib talent. Il passait le plus clair de son temps à contempler l’immensité bleue de la mer. Jeune homme, il décide d’aller à Istamboul et d’entrer à l’Ecole de guerre d’où il sortira officier de marine. Sur le Bosphore il peint quantité de tableaux pleins de vigueur. Il s’établit à Istamboul et y travaille comme professeur de dessin dans plusieurs écoles gouvernementales. Il manifeste dans ses œuvres une maîtrise parfaite de tous les genres de peinture : portraits, peinture d’animaux et de paysages. Il se fait remarquer par la précision du dessin, l’exactitude de la couleur, la fermeté de l’exécution et la sérénité de l’ambiance.
Mentionnons un autre pionnier de ce renouveau artistique, un jeune homme de la famille Dimachqiyyé, auteur d’un tableau qui montre le cuirassé Victoria en train de sombrer dans les eaux de Tripoli, lors du passage de la flotte anglaise dans la région. Après Dimachqiyyé, ce sont Hassan Tannir, Salim Haddad de Abayh, Muhammad Saïd Mer’i du quartier de Basta et Najib Bekhazi du quartier d’Achrafiyyé Mer’i émigre en Amérique, Haddad en Égypte et Bekhazi en Russie. Le plus remarquable de ces artistes est Salim Haddad qui jouit à son heure d’une grande célébrité en Égypte(3). En somme, le mérite de cette école marine est d’avoir su mettre en valeur l’ambiance chaude et lumineuse de la côte libanaise.
Alors apparaît la figure hors pair du Cheikh Ibrahim Yaziji(4). Fils de Nassif Yaziji il naît le 2 mars 1847 à Beyrouth dans le quartier de Zokak el-Blatt. La famille Yaziji s’était réfugiée à Beyrouth pour fuir les dissensions qui ravageaient alors la montagne. En fait cette installation des Yaziji et d’autre familles à Beyrouth était une aubaine pour les missionnaires américains et touts les directeurs d’écoles, d’instituts ou présidents d’universités. Tous ces établissements, surtout ceux fondés après 1834, avaient en effet le plus grand besoin de maîtres possédant la langue et la littérature arabes.
La vaste demeure des Yaziji renfermait une masse importante de précieux manuscrits. C’était aussi un cercle littéraire qui rassemblait intellectuels, poètes, artistes autour d’un homme à l’autorité universellement reconnue.
C’est dans ce milieu que grandit Ibrahim. Il commence sa carrière littéraire dans la poésie mais bien vite ses préférences vont aux sciences de la langue, à la composition littéraire et à l’art ; dans tous ces domaines il fit preuve d’un talent peu commun. Il était même l’un des meilleurs calligraphes de son temps. Cet art de la calligraphie a eu des rapports très étroits avec l’imprimerie qui, après avoir été lithographique, était maintenant basée sur les caractères. Or Ibrahim Yaziji a joué un rôle capital dans la confection des caractères d’imprimerie. Il en a amélioré et simplifié les formes, les a rapprochés davantage des caractères latins et les a rendus ainsi plus adaptés à la vie moderne.
Mais ce qui nous intéresse ici de sa production artistique ce sont ses dessins. Il dessinait en couleurs et au fusain des tableaux pour ses amis et ses proches. Les œuvres qui subsistent de son abondante production témoignent de sa précision de touche, de sa vigueur expressive, de son goût raffiné pour marier les couleurs et la lumière, rendre les plus subtiles nuances des sentiments et des émotions.
Parmi les œuvres que le Vicomte Philippe de Tarazi, fondateur de la Bibliothèque Nationale, a pu retrouver et qu’il a transférées à cette Bibliothèque, mentionnons : son autoportrait réalisé d’après un miroir ; on le voit coiffé du tarbouche maghrébin, avec à la taille une ceinture de cachemire, la chevelure frisée au fer et tombant sur les oreilles selon la coutume des Beyrouthins de cette époque(5); le portrait de sa sœur, la poétesse Wardé Yaziji, vivante image de sa forte personnalité et de la beauté poétique.
Ici nous devons souligner que la plupart des œuvres de cette période d’éveil sont aujourd’hui perdues. Le peu qui en subsiste montre que cet art, tout en ayant les caractères d’un authentique, reste néanmoins le fait d’amateurs. La plupart de ces artistes ne possédaient ni les bases, ni la formation suffisantes. Le succès qui a accueilli leurs œuvres est du à leur labeur acharné, leur sens de l’observation et leur amour de l’art.
Néanmoins, Raïf Chadoudi est le seul peintre de cette époque à avoir appliqué les principes normatifs de l’art. Durant sa brève carrière cet artiste réaliste s’était consacré surtout au portrait. Ses œuvres se signalent par la vigueur du dessin, la richesse du coloris et la netteté des expressions physionomiques. C’est un authentique précurseur de la renaissance de l’art au liban.
A l’aube de la Renaissance
Les artistes de la renaissance artistique au Liban sont apparus vers la fin du 19e siècle et au début du 20e. Leur succès est dû au fait que leur amour passionné de l’art les a fait entrer résolument dans la voie de l’étude systématique et de la spécialisation. Ils sont donc allés à Rome, Paris, Londres, Bruxelles pour se former auprès des grands maîtres, étudier de près leur style, les chefs-d’œuvre des diverses écoles, depuis la Renaissance jusqu'à leur époque. Rien ne pouvait les arrêter dans leur marche en avant. Ainsi Daoud Corm, qui dès l’âge de 10 ans dessinait des oiseaux sur les rochers de Ghazir, était résolu à partir à tout prix à Rome pour y commencer sa formation. Effectivement il part en 1870 : il a alors 12 ans. Son entêtement se manifeste, pour la première fois, lorsqu’il parvient à forcer la porte de Roberto Bompiani, le chef de file des artistes dans la Rome de l’époque et peintre officiel du roi d’Italie. L’incident vaut la peine d’être conté. Daoud avait apporté du Liban ses œuvres, avec l’intention de les montrer à ce maître. Maintes fois il essaie d’obtenir une entrevue mais en vain, car invariablement les domestiques lui interdisent l’accès du logis. Un jour qu’ils le refoulent encore une fois, ils jettent ses tableaux par terre. Hurlements de Corm. Le maître sort, voit ce beau désordre et ces tableaux épars. Leur facture soignée le séduit. Il s’empresse de les ramasser lui-même et de réserver le meilleur accueil au jeune Daoud. Il l’admet dans sa demeure et décide de l’adopter comme disciple à l’exclusion de tout autre. Cet entêtement à poursuivre sa formation nous explique l’ardeur de Corm à fréquenter la plupart des instituts de peinture de Rome et l’éminence de son talent. Jusqu’à la fin de sa vie, Corm s’est adonné à son art, avec un souci de la perfection et une obstination passionnée. Il meurt en 1930 après avoir pratiqué la peinture jusqu’à ses derniers instants(6).
Corm est un exemple parmi d’autres, de ces artisans de la renaissance artistique à ses débuts. Citons encore parmi ces précurseurs les noms de Habib Serour, Khalil Saleeby, Nimetallah Maadi. Le grand mérite de tous ces artistes est d’avoir introduit au Liban les principes de la technique artistique, mis en relief l’importance de l’ombre et de la lumière dans le processus d’élaboration, et saisi la quintessence de l’œuvre esthétique. Grâce à eux, la forme, qui jusque-là restait inerte et figée, est devenue vivante, expressive, évocatrice.
Remarquons ici que l’adoption du style classique a épargné à cette première génération d’artistes le danger du déracinement et d’un douloureux déchirement. Il lui a permis également d’évoluer à son aise dans son milieu. Mais qu’un peintre comme Khalil Saleeby délaisse le classicisme(7) et les thèmes familiers au public, pour se laisser prendre par l’impressionnisme au point de négliger parfois le dessin au profit de la grâce et de la fraîcheur, alors c’est un douloureux divorce d’avec son milieu conservateur et sa vie devient tragédie.
Si Saleeby a peu traité les thèmes religieux, Corm, Serour et Maadi par contre ont consacré leur talent à exécuter des tableaux religieux pour les églises et les couvents, des portraits et parfois aussi des natures mortes (fruits, oiseaux, poissons). Ils sont restés dans un cadre strictement traditionnel. S’ils ne furent pas des révolutionnaires «futuristes» comme Saleeby, en revanche ils ont su mettre leur talent au service du sentiment national. Tout dans leurs œuvres, thèmes, couleurs, rendu, porte la marque indélébile de leur milieu. Ils se sont attachés à camper des types d’autochtones drapés dans leurs vêtements nationaux et à représenter les paysages les plus caractéristiques. Ainsi on a pu dire que le portrait d’un membre de la famille Saad exécuté par Daoud Corm offre à lui seul le condensé de toute une époque. De même dans le tableau de Habib Serour, «Prêtre de la montagne», on retrouve tous les traits de la société montagnarde de ce temps-là.
Parmi les noms de la première génération qui se sont signalés à l’aube de la renaissance, citons : Philippe Mourani, resté à Paris, dont l’œuvres, tout en étant de facture classique, rayonne d’une imagination et une sensibilité bien orientales. Chukri Mousawwar, émigré en Amérique, se distingue également par le cachet typiquement oriental de son art. Ses toiles sont toute finesse et douceur. Il manifeste une sensibilité aiguë dans le dessin et la couleur. Il avait une prédilection pour les sujets orientaux : campements bédouins, souqs citadins. Sa toile «Cheikh en train de lire» a connu une grande célébrité en Amérique.
Puis sans transition apparaît la deuxième génération. Ses chefs de file sont le sculpteur Youssef Hoyeck, le grand initiateur de la sculpture contemporaine au Liban. Ensuite Khalil Gibran, Youssef Ghossoub et Georges Corm. Gibran et Hoyeck, tous deux de souche montagnarde, donnent l’impression de gens «déracinés». Cela est dû aux influences antagonistes subies durant leur contact avec les diverses écoles occidentales, mais cela ne va jamais jusqu’à la dissociation de leur propre moi. Leur propos était d’abord de «prendre» chez autrui pour aboutir finalement à la création originale, en évitant toute influence de l’art religieux de la montagne.
Précisément Hoyeck avait gagné Rome et Paris en un temps où les thèmes religieux étaient on ne peut plus étrangers au monde de la sculpture. Il essaie alors de réaliser en lui la symbiose étonnante de deux styles tout à fait hétérogènes, le style léger et gracieux de la Renaissance italienne et celui, tourmenté et tout en protubérances, de Rodin. Il eut toujours le souci de réaliser l’accord entre le goût du public, la représentation esthétique et l’expression des sentiments et des passions. Et de plus il endurait un douloureux déchirement qui finit par le tuer. Ses disciples de la quatrième génération, ainsi que ses œuvres peuvent témoigner de l’importance de son rôle dans la renaissance de la sculpture.
Parallèlement, l’art de Khalil Gibran, à l’instar de celui de Chucri Mousawwar, s’est développé hors du Liban, aux USA. Il est le fruit d’une formation très dense reçue à Paris. Toutefois Gibran, qui est né à Becharré et n’a émigré qu’adolescent, est resté toute sa vie hanté par les problèmes de la société féodale Libanaise et du monde arabe.
Son art était en symbiose étroite avec son génie littéraire. On y discerne aisément le style et le génie de l’écrivain. De même l’œuvre écrite porte la marque évidente du peintre.
La production littéraire de Gibran, qui a connu un retentissement considérable dans le monde arabe et dans nombre d’autres pays, s’alimente à trois grands courants : 1- le courant de la poésie symboliste, non pas la poésie du fantasmagorique et de l’illusion mais celle qui plonge ses racines dans la réalité humaine; 2- le courant philosophique basé sur l’amour évangélique, le chant de Zarathoustra et les méditations des fondateurs des grandes religions extrême-orientales; 3- le courant de l’art pictural parvenu à sa perfection. Dans la peinture de Gibran on discerne ces mêmes courants. Son art est aussi en étroite relation avec celui de Léonard de Vinci et intimement apparenté à celui de l’Anglais William Blake, le peintre mystique du 19e siècle. Sa vigoureuse originalité lui permet toutefois de rester indépendant et de l’un et de l’autre.
Appartient à cette deuxième génération : le sculpteur Youssef Ghossoub (1898-1967) du Phanar. Il a reçu sa formation de base de Moukhtar, le grand sculpteur égyptien. Il affine son art à Paris et à Rome (1927-1935). Son style est dans la ligne de l’académisme traditionnel. Il a laissé plus de cent sculptures et statues au Liban, en Syrie et en Palestine. Il faut enfin classer dans ce groupe Georges Corm qui a pratiqué non seulement le dessin classique mais a écrit aussi des études sur l’art et les artistes.
L’art contemporain
Après la première guerre mondiale, apparaît sur la scène une nouvelle génération d’artistes Libanais qui manifestent une plus grande liberté que leurs aînés. Les chefs de file de cette génération sont Mustapha Farroukh, César Gemayel, Omar Onsi, Saliba Douaihy et Rachid Wehbi. A l’exemple de leurs prédécesseurs de la deuxième génération, ces artistes commencent leur carrière par un séjour à l’étranger pour y apprendre les principes du dessin et assimiler une technique. A cette même époque, on assiste à l’essor tumultueux et bouillonnant des nouvelles écoles occidentales nées du choc profond qu’a fait subir la première Guerre mondiale à la société occidentale. Il faut néanmoins souligner que l’influence de prédécesseurs, tels que Corm, Serour, Saleeby qui ont guidé les premiers pas des artistes de la troisième génération, a épargné à ces derniers le danger d’une crise d’identité et d’une coupure d’avec leur milieu.
En fait c’étaient des étudiants mais non des artistes au goût et à la mode du jour, ni des gens qui cherchent à s’occuper pour éviter l’oisiveté. A leur époque l’art n’était pas encore à la portée de tous ; il restait confiné dans les lieux de culte et les palais, et les artistes de la troisième génération étaient pour la plupart étrangers à ce milieu.
Ainsi Farroukh, du quartier de Basta Tahta, est né et grandi dans une famille dont le père illettré travaillait à l’entretien des ustensiles de cuivre. Les exigences de son métier l’obligeaient à passer le plus clair de son temps en tournées dans les villages avoisinants.
César Gemayel cassait les cailloux sur les routes de la montagne et étudiait comme il pouvait pour devenir pharmacien. Mais sa vocation de peintre était plus forte et pour elle il quitte tout.
Rachid Wehbi, fils d’instituteur, passionné par l’art, vend sa modeste part de la maison paternelle pour se consacrer à l’unique objet de sa passion. Il y aurait beaucoup à dire sur la vie de privations qu’ils ont menée, sur leur acharnement à se perfectionner dans le métier. Nous nous contenterons de dire ici qu’en dépit d’une légère aquosité artificielle qui parfois affecte le coloris de leurs tableaux, ces artistes de la troisième génération ont créé à leurs heures de grande inspiration des œuvres qui sont dans la ligne la plus pure des grands maîtres. Ces œuvres, comme celles des grands pionniers, s’enracinent dans leur milieu authentique. En représentant des paysages typiquement libanais, des scènes de la vie libanaise, les maisons rurales de chez nous, nos costumes nationaux et les scènes de l’histoire libanaise et arabe, ces artistes ont grandement contribué à l’éveil du sentiment national dans notre histoire récente.
Ici une précision s’impose à propos de Saliba Douaihy et de César Gemayel. Le premier, bien qu’ayant inauguré sa carrière par la décoration de l’église patriarcale de Dimane et la peinture des villageoises et des montagnards, se déprend sans tarder de tout cela (1950) pour se lancer dans l’expérience complexe de l’art informel.
César Gemayel, montagnard lui aussi, et créateur de la toile historique «La bataille d’Anjar», adopte, pour peindre la nature, un style poético subjectif qui oblitère chez lui les authentiques de milieu. Comme Saleeby il s’adonne finalement au portrait et peint un grand nombre de nus.
Ceux qui en fait se sont consacrés à peindre les paysages de la côte et de la montagne libanaise, ce sont les artistes beyrouthins : Farroukh, Wehbi, Onsi. Ils ont laissé aux générations futures des tableaux oû ils ont peint amoureusement chaque colline, chaque maison, chaque pierre ou arbre du paysage libanais, Images du Liban rural qui en restituant fidèlement le cadre géographique, évoquent le Liban d’autrefois, portraits d’autochtones au costume local si chargé de traditions et d’histoire.
Avec ces artistes dont le rôle a été de poursuivre l’œuvre de la renaissance artistique sur des bases nouvelles, l’enseignement de l’art fait son entrée dans les établissements scolaires (Sagesse, Makassed) et la culture artistique commence à se frayer un chemin dans le grand public. Car si les ateliers des peintres et sculpteurs des première et deuxième générations ont constitué comme un prélude à la naissance d’un art vigoureux et original, le point de départ effectif du mouvement se situe à l’époque de la troisième génération.
Ainsi, le 10 janvier 1923 est fondé le «Comité des amis des musées nationaux et des sites archéologiques» lors d’une réunion qui se tient à la bourse de Beyrouth; elle élit par la même occasion les membres du comité fondateur(8). Cette rencontre avait été préparée par un groupe d’anciens universitaires lors de réunions tenues dans la Grande Salle du Parlement. On y avait pris la décision d’œuvrer pour le pays en le préparant à prendre en main ses propres affaires dans tous les domaines, dés la fin du Mandat. Ce comité effectue toutes les démarches nécessaires pour recueillir l’argent et inciter les autorités compétentes à créer un musée où seraient rassemblées les richesses archéologiques du pays. Le comité remet l’argent collecté et le terrain au gouvernement qui y bâtit le musée. L’action des membres du comité pour encourager la sculpture et la peinture se borne à l’achat de tableaux et de statues pour orner leurs villas et leurs luxueuses résidences.
Les années 30 ont vu l’apport de nouveaux éléments qui ont puissamment contribué à populariser l’art dans le Liban d’aujourd’hui. Il y a d’abord la fondation en 1937 de l’Académie libanaise des Beaux-Arts qui attire aussitôt à elle à la fois les maîtres classiques et les modernes, libanais, français et italiens.
Cette fondation avait été précédée d’une série d’expositions encouragée de temps à autre par les autorités du Mandat français, désireuses de mettre en valeur l’aspect culturel et civilisateur de la politique française. En tout cas, quoi qu’il en soit des mobiles qui ont poussé à organiser ces expositions, Beyrouth se trouve alors au centre d’un mouvement culturel et artistique animé par des artistes et des amateurs libanais ou venus de France et d’autres pays.
Parmi les expositions ainsi organisées notons:
1- l’exposition de l’école des arts et métiers en 1931 à laquelle participe Rachid Wehbi ainsi que César Gemayel revenu de Paris avec un dessin au fusain qui représentait une femme nue. Dans le milieu conservateur de l’époque, cette œuvre suscita beaucoup de curiosité et plus d’une question indiscrète.
2- l’exposition de l’École des arts et métiers en 1932.
3- Les expositions du peintre français Georges Cyr venu au Liban en 1933 et établi à Aïn Mreyssé. Il a influencé nombre de peintres libanais de la jeune génération.
4- l’exposition du Saint-Georges organisée en 1934 par le journal «la Syrie». Y prennent part des artistes de la première génération comme Habib Serour et Philippe Mourani et de la deuxième génération tels que Moustapha Farroukh et Rachid Wehbi.
5- La grande exposition de 1936 dans les salons du Parlement.
Dans les années 40 avec son accession à l’indépendance, Le Liban a connu trois grandes expositions qui ont eu un retentissement considérable:
1- l’exposition de Dhour Choueir organisée en 1947 à l’occasion du premier congrès culturel arabe tenu à Beit Méry.
2- En 1949, l’exposition organisée dans le L’UNESCO à l’occasion du congrès que cette organisation internationale tient à Beyrouth cette année-là. Cette manifestation a été le point de départ des expositions officielles qui depuis lors s’y tiennent périodiquement.
3- En 1953, l’exposition de l’art libanais «L’oiseau autour du monde».
Et à la base de tout ce mouvement on trouve les artistes de la troisième génération(9). La carrière de ces peintres et sculpteurs s’est développée d’elle-même tout naturellement, sans à-coups, ni angoisse, ni vertige autodestructeur. Ce n’est pas son moindre mérite.
Avec le silence des canons, lorsque prend fin ce cataclysme de la deuxième guerre mondiale qui a sapé les fondements mêmes de toute vie artistique, apparaît au Liban une génération d’artistes qui a failli imiter le jeune artiste européen dans sa rupture radicale d’avec son passé. Au lendemain de la guerre, le «jeune art» en occident avait voulu être l’expression du drame existentiel de l’homme écartelé du 20e siècle et de son refus d’apporter son tribut à la guerre. C’est de ce refus passionné, de cette fureur contre tout ce qui est ancien que sont nés, après les deux guerres mondiales, des mouvements comme le dadaïsme, le surréalisme, le néo-cubisme et ce qu’on appellera bientôt l’art abstrait.
L’artiste libanais de la quatrième génération, qui n’a pas vécu le drame de ces artistes européens bien que gardant le contact avec eux ou subissant leur influence au Liban, avance dans le dédale de ces écoles sans y adhérer parce qu’elles n’ont rien à voir avec son problème personnel. Celui-ci est d’une autre nature. Jusqu'à présent les générations successives de Libanais étaient restées fidèles à leurs origines et puisaient dans leur patrimoine culturel de quoi fortifier leur confiance en eux-mêmes. Ce qu’ils attendaient de l’Occident c’était une aide pour les faire avancer dans la voie du progrès. Or voici que presque toute la génération d’après-guerre éprouve une sorte de déracinement et à l’impression d’être étrangère dans son propre pays !
Il n’y a là rien d’étonnant. La plupart de ces jeunes Libanais sont descendus de leur montagne pour se retrouver à la ville. A peine sortis de l’école du village, ils entrent à l’université. Après avoir étudié l’arabe dans «Majâni-l-adab» et «Kalila wa Dimna» et s’être frottés d’un peu de syriaque, ils se trouvent plongés dans l’étude de la littérature française et anglaise, de l’histoire de la philosophie et de la psychologie. Ils n’ignorent rien de Racine, de Shakespeare, de Verlaine et savent analyser la poésie symboliste de Baudelaire. Et voilà que, devant l’impossibilité de trouver du travail vu l’encombrement et le chômage qui sévissent dans les carrières juridiques et les autres branches non scientifiques, ils cherchent un refuge dans l’art. En fait il s’était produit une «cassure» entre leur culture étrangère et la situation réelle de leur société. Cela se traduisait par une coupure d’avec leur héritage culturel et leur pays. Ils s’égaraient, inconsciemment, dans des courants culturels et artistiques qui n’étaient en fait que des lubies, des engouements impulsifs, une envie d’imiter pour imiter. L’art prenait le visage d’un pur amusement culturel destiné à tuer le temps. C’est pourquoi, au début, les procédés de l’art occidental qui étaient passés dans l’art de beaucoup d’artistes de la quatrième génération apparurent sans vigueur et superficiels. Le cubisme, par exemple, n’avait rien du cubisme. Il n’était que prétexte pour distribuer des couleurs dans des figures géométriques. Le surréalisme n’était en rien l’expression de l’univers intellectuel de l’artiste, ni l’objectivation de sa vision mais plutôt un simple défilé de spectres!
Certains de ces artistes qui étaient entrés dans ce jeu «culturo-artistique» étaient plus des coloristes que des peintres. Cette situation bancale a tourné au drame chez certains. Ainsi Michel Mîr (1930-1970), après avoir vécu toute sa carrière aux prises avec la ligne et le dessin, a connu une fin lamentable(10).
La caractéristique de l’art de cette génération est celle d’un art d’étude et de recherche. Il faut néanmoins préciser que certains de ces artistes libanais, après avoir été emportés dans le tourbillon de l’art occidental et avoir goûté l’amertume du désarroi et du déracinement, ont pu finalement surmonter cette épreuve. Un petit nombre d’autres sont restés à peu prés en dehors de ce bouleversement grâce à leur solide formation classique de base, acquise dans les ateliers de leurs aînés des deuxième et troisième générations et à l’Académie libanaise des Beaux-arts. Ce caractère d’étude et de recherche pris par l’art de cette époque a grandement aidé tout un groupe de ces artistes à redécouvrir leur identité, à étoffer leur art et à produire des œuvres qui s’imposent ici et à l’étranger.
En fait, le calme fois revenu dans les foyers de l’art occidental, l’artiste libanais, ayant enfin recouvré son identité, commence à produire des œuvres pleinement enracinés dans son terroir, c’est-à-dire qui possèdent ces trois caractéristiques : une technique vigoureuse, une inspiration puisée dans le milieu et le patrimoine culturels et l’expression de la personnalité(11).
Le tournant capital qui a abouti à cette transformation salvatrice a été amorcé par l’Occident lui-même, mais en prenant comme point de départ l’Orient. Le nouvel art occidental, qui avec les deux guerres mondiales avait abouti à une impasse et cherchait à se renouveler, s’est vu acculé au choix suivant : ou bien le retour aux sources, mais ceci n’est pas nouveau ni original, ou alors la découverte de mondes nouveaux par-delà les frontières de l’Occident. Or, il s’est trouvé que l’Occident a découvert la lumière de l’Orient, le ciel et la terre de l’Orient et les arts orientaux, surtout l’arabesque et la calligraphie arabe. Les Allemands, qui dans le passé ont joué un rôle prépondérant dans l’orientalisme, spécialement dans la découvert du patrimoine culturel et de l’histoire des Arabes, ont joué ce même rôle sur le plan de l’art.
Le grand nom dans ce domaine de l’orientalisme artistique est celui de Paul Klee qui a cherché à délivrer son message en exploitant à fond les possibilités de l’écriture arabe.
L’Allemand Paul Franck, lui aussi, a vu dans le caractère arabe isolé sa merveilleuse forme décorative. Il lui a conféré une valeur esthétique indépendante du mot qui véhicule le sens. C’est ainsi qu’il a structuré son art abstrait.
Avec la découverte faite par l’orientalisme allemand, s’amorce un mouvement de retour aux sources. Au début ce mouvement suivait purement et simplement la ligne abstraite de l’art «orientaliste» de l’Occident.
Cependant l’étincelle n’allait pas tarder à se produire. Amine Elbacha par exemple s’engage résolument dans une voie nouvelle. La couleur n’est plus, chez lui comme chez Klee, celle d’un rêve oriental ou de la fuite hors du temps et de l’action, mais une couleur en quête d’une densité qui lie l’oriental à la terre et au temps.
Wajih Nahlé, de même, évite l’emploi de la lettre isolée comme motif ornemental abstrait. Il part, du mot arabe porteur de sens. Mais il y a plus. Avec Saïd Akl, par exemple, c’est le caractère latin qui sert de support à toute une construction plastique dans le style de la grande création picturale.
La liste serait longue de ces peintres et sculpteurs libanais qui, tels les frères Basbous, Jean Khalifé, Chafic Abboud, Paul Guiragossian(12), Aref Rayess, ont contribué et contribuent encore à faire progresser l’art au Liban, dans la voie de la création originale et de l’authentique renouveau. Les spécimens de leurs œuvres que l’on trouvera dans cet ouvrage sont, croyons-nous, assez significatifs pour les situer chacun à sa place, dans le vaste mouvement d’ensemble. Qu’il nous suffise de signaler que, parmi les artistes de cette génération, les uns comme Nazem Irani en sculpture et Wahib Btedini en peinture ont suivi les traces des pionniers de l’art national et les autres comme Halim El-Hage sont restés dans le cadre du classicisme académique(13).
Et c’est l’apparition de la cinquième génération. Son séjour en Occident a coïncidé avec l’apaisement de la tempête et le retour de l’art occidental à quelques-unes au moins de ses bases traditionnelles. Son art évolue dans le cadre de l’art formel avec, au point de départ, une solide connaissance des principes du dessin. On peut même dire que chaque artiste de cette génération a su, dès ses premiers pas, dans quelle voie il s’engageait. Ainsi Hussein Madi qui, dans sa peinture, s’inspire des hiéroglyphes et, dans sa sculpture, de l’art mésopotamien ; Ibrahim Marzouk qui a une prédilection marquée pour les ruelles, les maisons et les traditions du vieux Beyrouth ; Moussa Tiba qui met à nu le jeu sacré de la fécondité et de la mort.
Un tournant important a donc été pris. Les artistes de la nouvelle génération ne se contentent plus de recevoir. Désormais ils «donnent». Et leur «don» se concrétise dans des œuvres d’avant-garde qui, grâce à leur saveur originale, ont pu pénétrer dans le domaine jusque-là réservé de l’art occidental.
Parallèlement, la capitale Libanaise est devenue le grand foyer artistique de l’Orient arabe et un centre privilégié d’expositions de classe internationale.
Sur le plan national, mentionnons les expositions que le ministère de l’Éducation et des Beaux-arts organise périodiquement depuis 1953. C’est avant tout ces expositions qui ont donné l’impulsion décisive au renouveau artistique dans le pays. Signalons aussi la fondation en 1965 de l’Institut des Beaux-Arts rattaché à l’Université Libanaise.
Un autre point enfin mérite considération. Le «complexe» vis-à-vis de l’étranger, qui affectait le public habituel des expositions et le poussait à n’acheter que des toiles étrangères, a disparu dès l’instant où l’Occident s’est tourné vers le patrimoine culturel de l’Orient et que s’est affirmée la qualité des œuvres créées par les artistes Libanais. Du coup s’est produit chez le public un changement notable dans sa façon de regarder l’art oriental et les artistes orientaux.
Le changement s’est encore accentué lorsque artistes Libanais ont reçu la consécration de leur talent par leur entrée dans les encyclopédies occidentales de l’art.
Et maintenant… laissons ces œuvres raconter elles-mêmes leurs secrets cheminements et situer l’effort créateur des artistes Libanais dans l’histoire de l’art contemporain.
L’art contemporain au Liban, Edouard Lahoud, Dar El Machreq Editeurs, Beyrouth
(1)- Sur la place des Canons, à l’emplacement de l’ancienne bourse de Beyrouth où s’élève actuellement le cinéma Opéra.
(2)- C’est un étudiant Libanais de Rome qui, en 1610, fonde l’imprimerie du couvent de Mar Qozhaya dans la Qadicha.
(3)- D’autres noms de cette période de l’éveil de l’art : Najib Fayyad (Beyrouth), Abdallah Matar (Lehfed). Le myryalaï Ibrahim Najjar (Deir el-Qamar) qui travailla comme médecin dans l’armée ottomane.
(4)- Dans le bâtiment de la Mission américaine (aujourd’hui Beirut College for Women). On y voit encore la grande salle où, dès 1874, se réunissaient les traducteurs de la Bible : le Dr. Smith, le Cheikh Nassif Yaziji, le Dr Van Dyck et le Mu’allem Boustani.
(5)- Ibrahim Yaziji est mort en 1906 à Matarieh dans la banlieue du Caire.
(6)- Le pape Pie IX qui avait entendu parler de son talent le convoque pour lui faire exécuter son portrait. Dans la suite Corm devient peintre de la famille royale de Belgique sous le règne de Léopold II. Revenu au Liban, il peint les gouverneurs de ce pays et ceux de la Syrie. Puis en 1887 il va à Alexandrie et fait le portrait de plusieurs membres de la famille du Khédive Toufiq 1er. En 1894 le Khédive Abbas II le fait venir au Caire. Il y va et exécute le portrait du Khédive, remarquable par sa facture et son fini.
(7)- Dans sa jeunesse Saleeby suivait le classicisme académique. Parmi ses toiles du début: son portrait jeune homme. Le style en est traditionnel et les couleurs empreintes de gravité.
(8)- Les members principaux de ce comité étaint : Alfred Soursock, Marius Hanem Ughlou, Omar Daouk, Camille Eddé, Albert Bassoul, Ali Joumblatt, Henri Pharaon, Georges Vayssié, Hassan Makhzoufi, Assad Younès, Georges Corm, Jean Debs, le Dr Fouad Ghosn, le Dr Wafik Beydoun, Aref Beyhum et le secrétaire général, Jacques Tabet, qui a le bonne marche de ce comité.
(9)- Après cette génération viennent: Maroun Tomb, né à Chiah en 1912. Études dans les écoles italiennes des Beaux-Arts à Haïfa. Khalil Zgheib, né en 1911 à Dbayyé, artiste instinctif connu surtout dans les années 50. Durant cette même période signalons deux artistes qui se sont consacrés à peindre des sujets religieux, Ibrahim Jabbour et le romancier Youssef Younès.
(10)- Nicolas Nammar (Chebaniyyé, 1925) lui qui, en 1944, s’inscrivit à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts, se spécialisa à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris (1949-1953) et obtint en 1959 le prix du président de la République, a délaissé presque complètement toute activité artistique ; sa production pourtant est d’une grande classe.
(11)- Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait plus d’artistes qui continuent à imiter les genres de l’art occidental, à sauter d’un genre à un autre et à rechercher encore leur identité!
(12)- Avec Guiragossian nous devons également mentionner les artistes Libanais arméniens suivants : Georges Guv, Assadour Bezdikian et Krikor Norikian.
(13)- Parmi ceux-ci signalons Samih Attar (Tripoli, 1921). Il étudie la sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Rome. Il sculpte surtout les statues d’hommes de lettres et de personnalités politiques (Khalil Mutran, Cheikh Béchara el-Khoury).