Abou Dhabi trace sa voie artistique par Myriam Ryzk

(Agenda culturel no. 310 du 14 novembre 2007)

Paris, connue pour ses sites historiques, reconnue pour son esprit et ses créations artistiques. Abou Dhabi, connue pour ses investissements dans le domaine des arts et de la culture, en voie d'être reconnue capitale de la culture et des arts du monde arabe.

Paris et Abou Dhabi se situent a priori aux antipodes l'une de l'autre pour ce qui est de leur rapport a l'art. La première a assisté à l'évolution des genres et a été précurseur des tendances. Elle a surtout vu défiler les artistes et a été pour beaucoup leur muse. Alors qu'Abou Dhabi, en quête de l'art, s'érige en plateforme de l'expression artistique dans la région, l'île de Saadiyat en est la preuve. Les plus prestigieux musées du monde s'y retrouveront, côte à côte, dans moins de 7 ans.

En attendant l'ouverture du Louvre, du Guggenheim et d'autres musées, Abou Dhabi s'active et nous donne rendez-vous du 26 au 29 novembre avec Art Paris-Abu Dhabi. Cette foire d'art contemporain, créée en 1999 à Paris, se tient en mars de chaque année au Grand Palais. Art Paris, qui a acquis une assise en Europe, regroupe une centaine de galeries à travers le monde. Ce concept est transposé cette année à l'Emirates Palace Hôtel et réunit une cinquantaine de galeries du Moyen-Orient, d'Europe, d'Iran et d'Inde.

Plus de 3000 oeuvres d'art contemporain y sont exposées et destinées à trouver des acquéreurs potentiels parmi les collectionneurs potentiels arabes. Selon le communiqué de presse officiel de la foire Art Paris-Abu Dhabi, la valeur de l'ensemble de ces toiles est estime à 400 millions de dollars. Cette dernière prévoit également une exposition autour du thème "Le signe, l'écriture et la calligraphie" dans laquelle des installations et oeuvres de 20 artistes arabes y figurent, retraçant ainsi, l'identité artistique commune des pays de la région.

Quelle est la portée de cette foire? Comment sera accueillie cette manifestation artistique? En quoi la réussite de cet événement est-elle importante quant à l'instauration de la notoriété d'Abou Dhabi comme capitale des arts du monde arabe? Nous avons correspondu avec les partenaires à ce projet, Rita Aoun-Abdo, conseillère art et culture auprès du TDIC (Tourism Development and Investment Company) et Caroline Clough-Lacoste, cofondatrice d'Art Paris. Nous nous sommes entretenus également avec les galeristes libanais présents à la foire, Nadine Begdache (galerie Janine Rubeiz, et Saleh Barakat (galerie Agial), afin de recueillir leurs visions et leurs attentes quand à l'évolution des domaines artistiques et culturels de cet émirat.

Rita Aoun-Abdo nous confie que "Art Paris-Abu Dhabi n'est pas une reproduction de la foire Art Paris, mais plutôt une approche différente qui épouse, par son contenu et la sélection de ses galeries, un nouveau concept de foire qui est une passerelle entre deux cultures... Dans Art Paris-Abu Dhabi, il y a un vrai partenariat pour implanter un dialogue artistique entre l'art occidental et l'art oriental et offrir un parcours à travers les grands mouvements artistiques qui ont marqué les deux mondes."

A la question pourquoi avoir choisi Abou Dhabi, Caroline Clough-Lacoste nous répond que "c'est un choix stratégique puisque la capitale des Emirats arabes unis se positionne maintenant comme capitale culturelle de la région."

Le projet est ainsi une ouverture sur deux identités qui ont trouvé dans cet émirat un terrain d'entente. L'adaptation de la foire au paysage culturel des pays orientaux crée ainsi un croisement entre deux cultures qui se sont, jusque-là, rarement côtoyées. La force du projet est d'avoir allié les oeuvres des représentants incontestés de l'art moderne (Andy Warhol, Pablo Picasso, Vincent Van Gogh, Marc Chagall, Victor Vasarely...) et celles des artistes arabes (Yvette Achkar, Samir Sayegh. Hussain Madi, Paul Guiraguossian, Ismail Fattah...), permettant ainsi pour certains de découvrir nos artistes en cherchant à contempler les autres.

Ce rendez-vous d'art contemporain se situe dans une politique de développement culturel amorcée depuis quelques années par l'émirat d'Abou Dhabi. Suivant Rita Aoun-Abdo "l'art moderne et contemporain connaît à Abou Dhabi une place considérable et devient un des piliers de la stratégie culturelle développée par la capitale émirienne pour démystifier la notion de "moderne et contemporain", qui a toujours été reliée a une élite minoritaire du public, et donc rendre cet art de plus en plus accessible à tout public."

Si cette première foire s'inscrit, au sens des organisateurs, dans une optique d'implantation des domaines artistiques et culturels dans la région, pour les galeristes qui y participent, cette première est une réponse à leurs attentes. Selon Nadine Begdache qui présente Chafic Abboud, Yvette Achkar, Etel Adnan, Hugette Caland, Bassam Geitani, Hanibal Srouji, "c'est une expérience qu'il faut tenter." quant a Saleh Barakat, qui a choisi Nabil Nahas et Samir Sayegh, il affirme que "depuis longtemps on essaie d'être dans le bain, aujourd'hui, il faut plonger."

Le monde arabe a assisté à l'éclosion de bon nombre d'artistes qui, pour faire connaître leur art, ont été dans l'obligation de s'exporter ailleurs... au moment où l'on commençait à douter de la possibilité de faire naître de grands rendez-vous voués à l'art dans la région, et où l'on ruminait encore l'impuissance de Beyrouth à contenir des manifestations artistiques, et qu'on a complètement désespéré de la capacité du Caire et des autres capitales arabes à englober dans leurs lieux un événement culturel qui regrouperait les tendances de nos artistes...

Alors qu'on regardait vers le haut avec un hochement d'épaule contrarié et défaitiste, Abou Dhabi nous préparait une surprise, celle de réunir nos plus grands noms sous des coupoles prestigieuses.

Alors même que l'art dans le Golfe se lisait plus dans l'histoire des autres que dans la sienne... il s'apprête aujourd'hui à prendre en charge l'écriture de l'histoire... Nous verrons dorénavant défiler les artistes arabes dans des rendez-vous artistiques de renom et très prochainement dans les plus beaux musées du monde... à Saadiyat!

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A decouvrir a Art Paris-Abu Dhabi

L'exposition "Le signe, l'écriture et la calligraphie" regroupe plus de 150 toiles et installations. Elle a comme première finalité, suivant la commissaire de l'exposition Amal Traboulsi, " (...) de rendre hommage aux artistes calligraphes traditionnels et de montrer comment d'autres, plus modernes, se sont libérés du sens pour retrouver la primauté du plastique. De même, elle cherche à initier une nouvelles lecture des signes particuliers, plus adaptée à une communication à caractère universel telle que la recherche notre époque". 20 artistes sélectionnés exposent ainsi leurs créations et transmettent à travers l'alphabet commun et les signes propres à chacun, l'identité culturelle sur laquelle s'est construite l'histoire artistique de la région.

Deux conférences sont données les 25 et 28 novembre en collaboration avec Paris-Sorbonne-Abu Dhabi: "L'art au XXe siècles, un siècle de diversité et d'inventions" et "le marché de l'art, comment investir dans l'art".

Sotheby's Institute propose des cours intensifs sur 3 jours sur l'art moderne et contemporain, ainsi que sur l'art de collectionner et d'investir dans l'art, du 26 au 28 novembre.

Quelques travaux d'artistes qui ont exposé à Abu Dhabi:

Ali Hassan, Mix-média 150 x 150 cm, Qatar

Hanibal Srouji, 122 x 103 cm, 1996

Ismail Fattah (1934 - 2004), acrylic 44 x 56 cm

Khaled Al Saai, Celebration. 2006, huile sur toile, 96 x 148 cm

Khaled Ben Slimane, the blue door, 2007, acrylic, 100 x 81 cm

Nabil Nahas, palmiers, 2007, acrylic, 180 x 150 cm