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Art in Lebanon – the Last Thirty Years by artist Joseph Matar

L’art actuel au Liban durant les trente dernières années par Joseph Mattar

Droits réservés LebanonArt.com 2008 (Publié dans Byblos Art N'2, 2009)

Faire le tour de l’art contemporain est une longue tâche, et assez compliquée lorsqu’il s’agit d’arts, de culture et de toutes sortes d’activités créatrices.

L’art contemporain, de par son nom, fait suite à celui d’un récent passé et annonce celui d’un avenir proche.

Nous nous entourons d’œuvres de créateurs et cela constitue notre civilisation. Nous savons tous qu’en face de ce monde ‘devenu’, il y a déjà un monde en ‘devenir’, où règneront aussi des lois de notre existence.

L’actuel contemporain anime nos forces d’imagination, stimule nos facultés et se manifeste en œuvres de toutes sortes, avec pour supports, ici une page blanche, là un panneau, ailleurs une toile, ou de la pierre, ou du bois, des matériaux, des sons, … des formes… des monuments… des paroles…

Est-il possible de trouver une certaine unité d’âme dans tant d’expressions diverses de peinture, d’architecture, de théâtre, de musique, de sculpture, de danse ou chorégraphie… que nous offrent les musées, les salles d’expositions, les ateliers, les scènes, les chapiteaux, l’internet et autres?

Les puissances créatrices de chacun ainsi exprimées deviennent accessibles à autrui, à la conscience commune, à la vie de notre temps.
Nous vivons, de plus, en toute époque, de structures sociales, de traditions, d’us, de coutumes, d’habitudes, … qui évoluent, disparaissent et font place à d’autres expressions, sous la poussée de génies nouveaux créateurs.

Je suis membre citoyen de ce monde, ancien, contemporain et futur : je viens du pays berceau de l’Alphabet, fils de la lumière d’Orient et de la mythologie, et de l’ère nucléaire, de la conquête de l’espace… un contemporain bien 2008, respirant l’air de mon temps.

Je me souviens de mes longues courses dans l’espace du Grand Palais, les salons, les galeries, les musées, à Paris, maintes fois, ou à Beyrouth devant nos modestes cimaises… je ne trouvais aucune différence de culture ; toutes les écoles étaient présentes : du figuratif, au cubisme, à l’abstrait, au tachisme, à l’irréel…

Le mouvement artistique en peinture est le même, nos journaux et revues francophones ou anglophones, nos festivals joyeux à Baalbeck, Byblos, Beit-eddine… nous offrent des images et des scènes, et des livres et analyses critiques d’une tenue semblable à celles des meilleurs produits à Paris, Londres, ou New York. La planète est devenue ce petit village de tribus voisines, les échanges s’y font à la vitesse du temps dans tous les domaines.

Les noms changent seulement : au lieu de contempler un Rouault ou un Braque à Paris, on admire ici un Onsi, un Gebran ou autre à Beyrouth ; au lieu d’écouter Paul Valéry là-bas, on écoute ici Saïd Akl, Charles Corm et autres…

L’art a brisé toutes les frontières des pays, des races, des âmes aussi : la communication est généralisée.

Le Louvre et ses richesses ouvrira bientôt ses portes aux Emirats ; la Sorbonne, première université créée au Xème siècle, érigera ses facultés mille ans après dans les déserts du Golfe pour répandre la magie de notre Alpha, Bêta, lettres tombées du ciel sur la côte Phénicienne à Byblos et qui ont permis les livres et tout le mécanisme des ‘relations’ depuis qu’Europe, princesse de chez nous, enlevée par Zeus à Tyr, a conquis le continent auquel elle a donné son nom et a permis le siècle de Périclès et le miracle Grec, et les icônes médiévales, et le quattrocento, et semé son savoir dans le monde entier.

Le moi contemporain est toujours promoteur de l’avenir… le Parthénon est aussi contemporain que la Défense… Voir, c’est toujours voir autrement et simultanément.

L’épanouissement de la pensée depuis Platon jusqu’à l’ordinateur, les puces, les machines pensantes, s’est aménagé sur 2500 ans ; c’était hier. De tout temps, l’homme a vécu son évolution et a exploré aussi bien les trésors cachés dans la nature que dans son âme utilisant techniques et supports, lignes, couleurs, formes, dessins, volumes, gestes, sons… Qui ose dire que Cézanne était plus contemporain que Durer, Dali ou Vermeer ? Chacun eut le style correspondant à son siècle ; son individualité était en harmonie avec son âme et celle de son temps.

« Combien faudra-t-il encore attendre… avant que l’on comprenne que tout contenu nouveau exige une forme créée à son image et qu’une forme sans contenu est un péché contre l’Esprit » a dit Kandiresky en 1916.

Par hasard, est tombée en mes mains : ‘Caractère de l’époque actuelle’ cours magistral donné en Allemagne, mais la date est 1804-1805. L’actuel alors était leur contemporain.

Actuellement, nous vivons un grand tapage dans la presse et les médias ; création de centaines de galeries ou points de vente dans les pays riches et pétroliers ; les grandes maisons Européennes ont des dizaines de succursales depuis Beyrouth jusqu’au Golfe arabique.

L’œuvre d’art est soumise à l’économie de marché, la presse veut à tout prix nous convaincre en ajoutant des zéros à droite du prix de chaque œuvre. Le jeu est bien synchronisé. A Dubaï par exemple : des leçons et des cours sont donnés bénévolement pour initier à l’art abstrait, (l’art abstrait ou irréel date de 1910), c’est très contemporain, etc… des conseillers à consulter gratuitement pour vous expliquer comment et où et quoi investir dans le domaine des arts figuratifs ; des banques sont disposées à en faciliter les devises.

Toute une orchestration par les médias, utilise tous les moyens pour faire vendre des œuvres belles et moins belles, des œuvres excellentes et d’autres médiocres… introduisant l’œuvre artistique dans l’économie de marché. Nous connaissons les grands noms de références; je n’en citerai aucun.

« Comment l’artiste parvient-il à la création, » reste secondaire alors que l’homme porte en lui de représenter, de penser, de rêver, de sentir, d’individualiser ses sensations, ses particularités, ses passions, ses émotions.

L’art évolue, l’être humain et l’univers aussi. Le monde actuel en est à la recherche rapide vertigineuse du nouveau. Une course appuyée par de nouveaux procédés et matériaux.
Le renouvellement enrichit la floraison d’œuvres … des ‘écoles’ éruptives pointent, vivant seulement du présent sans lien au traditionnel, préférant l’expérimentation, la recherche, le changement et au besoin l’extravagance… salles d’exposition, revues illustrées, spots télévisés, nous font voir comme art des dessins, des tableaux, des toiles, des surfaces, des volumes… au formes les plus sophistiquées, œuvres parfois d’imitateurs maladroits ou d’inventeurs fantaisistes en quête de notoriété, dont s’emparent à tout hasard les publicités, en les présentant comme typiques de l’art moderne contemporain. Toute surface, de toile ou de mur, se prête à la reproduction imagée d’une fantaisie, ou d’une vision profonde. Les critiques d’art occasionnels savent toujours éblouir le lecteur et le visiteur sous un vocabulaire élaboré dont il faut se gorger et surtout ne pas rire…

L’artiste, le vrai, maîtrisera cette situation. Le créateur et le poète feront de l’œuvre un organisme vivant, imprégné de spirituel et même de sacré pour quelques uns, puisque l’œuvre est le fruit de la pensée, des émotions, de l’imagination… du conscient et de l’inconscient…

Rudolph Steiner explique : « la pensée abstraite, si elle est seule, surcharge la mémoire… la contemplation artistique la forme, l’effort de la volonté la consolide. »

Une image me vient à l’esprit en pressant notre vendange :

L’art est une confrontation entre les lumières et les obscurités, le conscient et l’inconscient, le divin et l’humain … là se dégage l’individualisme, le moi, l’ego…

Le bon vin est une grappe mûrie durant toute une saison d’été, imbibée de lumière et de chaleur… puis remise dans la froide obscurité des caves afin de vieillir, de s’enrichir de se clarifier et devenir ce nectar élixir des dieux. Tout cela est bien vu, sinon toujours bien dit.
Je vais en venir au concret de la situation que nous offre le domaine de l’art pictural au Liban depuis les trente dernières années. Nos activités s’y sont déployées depuis la moitié du 19ème siècle.

-Une première génération est restée fidèle à la peinture figurative à la mode: portraits, paysages, natures, scènes sociales et religieuses ; génération de pionniers qui ouvrit la voie tels : David Corm, Habib Srour, Khalil Salibi, bien connus à partir des années 1860-1920.

-Une seconde génération représentée par Youssef el Howayek, Gebran Khalil Gebran, Omar Onsi, Saliba Douwaihy, Corm, Wehbé… du début du XXème siècle jusqu’à 1960-1970.
-Une troisième génération qui débuta dans les années 40-50 : Elie Kanaan, Jean Khalifé, Amine Sfeir, Bacha, Joseph Mattar, Basbous, Charaf, Jordak, Chart, Awad, Najm, Rayess, Zaven… (Les noms sont de plus en plus nombreux).

-Une quatrième génération débutant dans les années 60-70… la liste est très longue Berberi, Doumit, Assadour, Sursok, Nakhlé, Ghali, Néemé, Hrair, Harfouche…

-Une cinquième et sixième allant jusqu’à nos jours à laquelle je m’arrête…

Il n’y eut jamais de rupture entre une génération et une autre, plutôt une continuité de liens intimes… Un très grand nombre d’artistes furent nos élèves.

A la demande de la revue – Magazine Byblos, je choisirai une vingtaine d’artistes des dernières 40 années pour en offrir un profil très résumé, court, rapide, me documentant sur le site onefineart.com.

La seconde génération… s’imposa encore par sa fidélité au figuratif mais s’initia avec talent aux tentatives formelles nouvelles du fauvisme, cubisme, expressionnisme, etc… Quelques uns se sont jetés dans l’abstrait, le tachisme, l’irréel « pour faire in »… et des critiques se sont offerts à en faire valoir le talent supposé.

Je m’arrête, pour ouvrir en résumé une page, sur nos universités, académies, facultés, … qui se chiffrent par centaines, réparties sur tout le territoire libanais et un grand nombre de galeries, d’ateliers qui s’activent de partout.

Je n’oublie pas de mentionner le grand nombre d’artistes Libanais vivant en Europe, en Amérique… et le monde.

La vingtaine d’artistes choisis sans discrimination ni parti pris, je les ai sélectionnés de l’Agenda culturel dans les numéros des cinq dernières années et dans onefineart.com, des artistes qui s’activent, travaillent, exposent etc… je dis ‘sélectionnés’ c'est-à-dire choisis et qui laissent en moi une conviction.

L’éventail actuel est très varié. Des décorateurs qui ont abordé les arts plastiques sont nombreux.

Des architectes très capables se sont lancés en professionnels dans les arts figuratifs (tels, Abdallah Dadour, Bonfils, Jean Lahoud… Des poètes aussi dont Joseph Abou Daher…). Le grand nombre d’intellectuels convertis, les uns en tant que coloristes, d’autres créateurs de formes ou graphistes, existentialistes… Suivre le contemporain actuel, pour quoi pas ? Il le faut… et si, à en croire ‘Beuys’, « chaque être humain est artiste et s’il peut le devenir de plus en plus, la question de l’adéquation de l’art à l’esprit, c'est-à-dire son adéquation à la réalité doit être l’objet d’une plus grande attention et d’une conscience accrue, de la part de l’artiste aussi bien que de la part du public. »

Nous ne manquons pas d’excellents critiques. Nous savons combien un Diderot, en France, au 18ème siècle, ou un Baudelaire, au 19ème, ont su faire comprendre et aimer au public les chefs d’œuvre de leur temps et révéler parfois des génies de l’art que leurs contemporains n’avaient pas remarqués. Même le génial Picasso, sous ses puissantes pitreries (voyez le magasine Paris-Match du 22 Septembre 2008) se voit loué et reconnu pour ses immenses qualités de metteur en scène espiègle.

Vérité ou mensonge ? Plutôt il faut continuer à la formation du jugement esthétique et que le soleil monte lumineux en des mondes nouveaux et en des cœurs inondés par l’amour.

Achkar Ivette
Pour elle, la peinture c’est la vie, l’air qu’elle respire. Sincère et sensible et d’une grande liberté d’expression… son monde abstrait dit un drame mêlé de jouissance, un jeu féerique de virtuosités toujours nouvelles.

Berberi Antoine
Sculpteur, artiste intellectuel et dynamique doublé d’un technicien connaissant à fond son métier. Le fer entre ses mains devient mouvement, poésie… le bronze se métamorphose en bustes, monuments, … où circule la vie…
Berberi artiste créateur, historien patriotique aux motifs nationaux et humains.

Bezdikian Assadour
Artiste intellectuel et créateur, tourmenté, existentialiste et mythique. Ses compositions expriment les relations de l’homme avec le temps, le passé, le futur et le quotidien. Son propre paysage urbain avec ses variantes est symbole d’une civilisation d’un temps disloqué, ravagé.

Chamoun Chaouki
Une restructuration géométrique des faits et des choses, manière qui ne manque pas de réalisme, procédant par élimination, conservant les lieux d’une communication vive, émotive, pure, rimant avec les taches de couleur représentant des personnages étincelants…

Codsi Flavia
Peintre, aérienne transparente et claire d’une grande sensibilité, facile à comprendre. Du trompe l’œil à l’hyperréalisme, elle compose en son œuvre un poème exprimant la réalité quotidienne et y communique ses propres sensations ; elle maîtrise un clair obscur et des contrastes saisissants.

Doumit Naïm
Sculpteur, calme, pensif et silencieux, capable de simplifier et de pousser les modulations de ses œuvres à leur paroxysme. Il sculpte le bois, la pierre leur insufflant la vie et modèle la glaise saisissant l’âme et l’esprit des choses.

El Bacha Amine
Peintre très solde, il s’est formé dans les académies au Liban et à Paris. Coloriste fin, transparent et riche. Créateur qui sait donner à l’existence son empreinte et son caractère. Né dans une famille d’artistes et de musiciens, elle en a gardé les accords dans sa vie. Sa palette est aussi un clavier … toute de virtuosité et de poésie.

Faloughi Joseph
Artiste silencieux et discret, il exploite dans ses recherches des teintes complémentaires juxtaposées ; des tons, des nuances subtiles créent une atmosphère traduisant émotions et états d’âme invitant à la contemplation. Il observe la nature, mais en simplifie la réalité et exprime sa propre vision intérieure.

Haddad Victor
Artiste, maître et modulateur de la ligne. De ses innombrables arabesques, surgissent ses formes figuratives en une continuité, un jeu de mouvements, des tourbillons linéaires… qui nous racontent le Liban, sa mythologie, ses dieux, ses lumières et ses gens… La réalité, chez Haddad en devient éclatante et dès lors nous enchante.

Hrair Diabékisian
Il a une manière à lui de traiter les personnages, les chevaux les maisons… il en soigne les formes, répétition d’éléments décoratifs, il a recours à l’or rappelant les icônes. Sa technique est ordonnée à ses ‘moi’ ; son expression et son vocabulaire sont très riches ; ses couleurs éclatent comme des soleils.
Artiste simple et délicat il est aussi un maître sûr et ferme énergique à l’occasion.

Jouni Hassan
Peintre figuratif, aux constructions solides. Il étale sa matière avec beaucoup de goût. Le détail est chez lui très soigné. Il aime traiter des scènes, des groupes, …. Dans les cafés et la tradition libanaise. L’espace qu’il crée est ensorcelant jusque dans ses tentatives à travers les plans abstraits. Jouni est un artiste à la fois vrai et poète.

Kalfayan André
Autodidacte, il a pu à force de travail aboutir à une technique et un style personnel, exprimant le monde qui l’entoure et le fascine à Byblos. Il est saisi par le seuil, le passage, l’ouverture, la porte, la fenêtre qui deviennent son unique sujet multiplié à l’infini, le quotidien de ce monde, et son patrimoine est toujours présent et pittoresque sous tant de formes proches.

Kanaan Elie
Peintre et coloriste, ses tableaux offrent un jeu de couleurs qui nous fascine et nous enchante. A travers un tachisme riche et structuré, nous découvrons l’âme de Elie Kanaan. Né artiste, il se consacre à son œuvre sans bavardage et pousse l’expression jusqu’à l’émotion.

Kawak Marie Claude
Architecte d’intérieur, elle s’est essayée dans la peinture ; des espaces et des perspectives ornées par une subtile géométrie et des arabesques orientales, elle transforme les structures recherchées en éléments de rêve, de dialogue, d’échange.

Lahoud Jean
Architecte de formation, il se convertit aux arts plastiques, débutant par des aquarelles et créant un univers personnel en des constructions géométriques, métalliques… l’espace est érigé en des volumes voyageant dans le cosmos aux trois dimensions.

Madi Hussein
Dessinateur, peintre, sculpteur, graveur, graphiste, illustrateur, céramiste, mosaïste, caricaturiste… la diversité de ses talents explique un travail rigoureux, une composition équilibrée et unie, une continuité alimentée par un orientalisme fantaisiste.

Mattar Joseph
Une étonnante alliance l’engage avec le Créateur Lui-même. Le divin et l’humain, le ciel et la terre s’unissent en ses oeuvres en un poème apaisant et chaleureux. Le créé devient Createur… et célèbre le jeu du sacré qu’il porte en lui. Son œuvre se veut un poème d’amour et une prière, ses tableaux sont lumineux, il y laisse exprimer son âme ; il aime s’exprimer en des scènes de la nature qui sont de toute beauté. (Extrait de Jean Delalande)

Nahlé Wajih
Il a pu transmettre son message à travers une calligraphie qui lui est particulière, des ‘lettres arabesques’ qui laissent dégager des groupes et des formes harmonisant son espace simple dans les formes et le contenu.

Rawas Mohamad
Peintre et technicien, allant du Classicisme au Pop Art, au dadaïsme, surréalisme… du graphisme au collage… sûr de lui, il maîtrise une solide technique. Esthéticien, son monde visuel est construit en un processus créateur et homogène.

Saïkali Nadia
Un cri qui fait taire tous les mots d’alentour et provoque dans les régions de son monde des éclairs, des éclats, des étincelles à haute fréquence et tension – son monde est action, mouvement, un enfantement constamment renouvelé.

Silwan Ibrahim
La peinture est plus qu’une expression chez Selwan, c’est une vocation religieuse ; son monde théâtral aux mouvements rotatoires en parfait équilibre instaure un monde bien à lui avec ses dimensions et ses portées où son âme se reflète comme en un miroir.